Les services d’urgence des hôpitaux ont été encore soumis à rude épreuve cet été. Le gouvernement cherche par tous les moyens à faire retomber la pression qui pèse sur eux, notamment en demandant aux patients d’appeler le 15 avant de s’y rendre.
Les Points d’accueil de soins immédiats (Pasi) participent de cette réponse aussi. Ils ont trois missions : gérer les soins, évaluer les patients, les orienter vers les services appropriés. Ils constituent une réponse ambulatoire à la prise en charge des soins non programmés, en dehors des hôpitaux.
Moins de passages aux urgences
Dans ces centres, pas de prise de rendez-vous préalable, un temps d’attente réduit, un personnel soignant disponible et en quantité suffisante, des locaux neufs. Ces structures privées investissent un espace que les urgences de l’hôpital public n’arrivent plus toujours à assumer.
« J’ai occupé tous les postes au sein des urgences médicales, et les problèmes que nous constatons c’est que 1 à 2 % des cas sont vitaux, près de 30 % requièrent l’utilisation de matériels médicaux avancés et la grande majorité des autres cas sont de moindre gravité. Les urgentistes perdent ainsi du temps médical précieux. Quelles solutions pouvons-nous proposer aux patients afin d’éviter qu’ils ne se rendent aux urgences pour des problèmes bénins ? », se demandent Loïc Libot et Boris Hirtzig, médecins et fondateurs de CMSI France, acteur du secteur.
Le Pasi se veut une boussole orientant le patient, une sorte « d’urgence des petites urgences » dégageant l’hôpital public où 30 à 40 % des patients s’y rendent faute de soins accessibles.
CMSI France, principal acteur du secteur, compte près de seize centres indépendants, 120 médecins et infirmiers et 300.000 patients soignés, aux côtés d’autres entreprises comme Cosem. CMSI France prévoit l’ouverture de 18 autres centres supplémentaires dans les prochains mois. Loïc Libot et Boris Hirtzig avancent « que dans les endroits où nous nous sommes installés, la pression sur les services hospitaliers a diminué d’environ 25 % ».
Intérêts du législateur
L’Assemblée nationale a adopté et amendé entre 2019 et 2020, une proposition de loi visant à développer ces Pasi avec des garde-fous, à savoir les agrémenter pour cinq ans, sous réserve du respect d’un cahier des charges.
Les Pasi ne sont pas exempts de critiques toutefois. Pour la sénatrice Jocelyne Guidez ils « ne devraient pas ajouter une nouvelle couche au système existant ».
Il s’agit d’une médecine inadaptée et ubérisée qui ne permet pas de résoudre la crise actuelle.Christophe Prudhomme, porte-parole de l’AMUF.
La ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, estime que « ce développement pourrait être bénéfique pour fournir des soins non planifiés et soulager la pression sur les urgences. Ces initiatives peuvent cependant entraîner des conséquences néfastes en concentrant les ressources médicales sur les soins aigus. Certains médecins travaillant dans ces centres ont refusé de devenir les médecins traitants des patients. »
Syndicats sceptiques
Le docteur Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence, voit dans ces centres « une bonne idée si cela fonctionnait 24 heures sur 24 et était régulé, mais tel quel, de la façon dont c’est mis en place, c’est une fausse bonne idée. Les Pasi ont une activité sans pénibilité et ne couvrent pas les besoins nocturnes ».
Pour l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), « il s’agit d’une médecine inadaptée et ubérisée qui ne permet pas de résoudre la crise actuelle. Les Pasi ne soulagent pas les urgences pour les personnes n’ayant pas de médecins traitants. Ce sont des gens qui n’ont pas accès à un suivi médical qui se tournent vers ces centres », déplore Christophe Prudhomme, conseiller à la Caisse nationale d’assurance-maladie affilié à la CGT et porte-parole de l’Amuf.