Essence : le gouvernement veut autoriser la vente à perte sur les carburants, dès décembre

En permettant une autorisation temporaire aux distributeurs pour vendre l'essence « à perte », ce qui est interdit depuis la loi de 1963, le gouvernement espère faire baisser les prix du carburant sans accorder de nouvelles subventions. Et ce, rapidement puisque selon le ministre de l'Economie, ce lundi, cette autorisation « sera effective à partir de début décembre, j'espère le 1er décembre puisque le texte de loi sera examiné à l'Assemblée début octobre »


Face à la flambée des prix de l’essence, le gouvernement veut agir et vite. Dans un entretien accordé au Parisien, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé une mesure inédite dans son principe, une autorisation temporaire accordée aux distributeurs pour vendre de l’essence « à perte ». Et pour cause, cette dernière est interdite en France depuis 1963 (sauf exceptions, comme les soldes).

« Comme certaines [enseignes] l’ont fait remarquer, elles ne peuvent pas baisser davantage leurs prix, car la loi leur interdit de revendre à perte. Aujourd’hui, je vous annonce qu’à titre exceptionnel sur le carburant et sur une période limitée […], nous allons lever cette interdiction, ce qui permettra aux distributeurs de baisser davantage les prix », explique ainsi Elisabeth Borne.

Vers une autorisation dès le 1er décembre

Un projet de loi le permettant devrait même arriver « très vite » devant le Parlement, a précisé dimanche au micro de RTL Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. « On ne dit pas que l’essence va tomber à 1,40 euro dans toutes les stations pendant six mois. On dit qu’il peut y avoir des opérations commerciales », a-t-il ajouté. Bruno le Maire, le ministre de l’Economie, a même affirmé que cette autorisation « sera effective à partir de début décembre, j’espère le 1er décembre puisque le texte de loi sera examiné à l’Assemblée début octobre ». Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 27 septembre, a confirmé le ministère à l’AFP.

Une mesure qui concerne les grandes et moyennes surfaces

Cette mesure de vente à perte concernera exclusivement que les grandes et moyennes surfaces, pour l’instant interdire de l’appliquer par loi de 1963. En clair, les autres réseaux de distribution, comme les stations-service, ne pourront pas bénéficier de cette mesure exceptionnelle. Selon le gouvernement, la mesure aurait d’ailleurs été discutée en amont avec la grande distribution. Plusieurs enseignes, comme Système U ou Leclerc, ne sont plaintes ces dernières semaines de ne pas pouvoir baisser les prix en raison de loi sur la vente à perte.

Certaines enseignes, notamment les plus puissantes, pourront ainsi lancer des opérations de promotion, ce qui devrait conforter, voire accroître, leur part de marché. Chacun pense bien évidemment au groupe Leclerc qui apparaît comme le grand gagnant de cette période d’inflation.

« Du baratin » pour le RN

De son côté, le Rassemblement national a mis en doute, l’efficacité d’une telle mesure.

« C’est du baratin », a réagi son vice-président, Sébastien Chenu, sur Public Sénat, précisant que « cette mesure va amener deux choses: les grands groupes à s’en mettre plein les poches, et ensuite les stations-essence indépendantes à fermer ».

Le membre du groupe RN, fort de 88 députés à l’Assemblée nationale, s’est dit « pas favorable à ce qu’on vote ça, parce qu’on veut des mesures pérennes, on veut des choses qui durent dans le temps ». En clair, « on souhaite une mesure de baisse de taxe (car) le problème ce sont les marges que font les grands groupes et ce sont les taxes », a-t-il ajouté. « C’est à l’Etat de faire un effort parce que l’énergie est un produit de première nécessité », a-t-il insisté, estimant que « Mme Borne voit les choses comme une comptable ».

Faire baisser les prix sans subventionner

L’objectif de cette autorisation temporaire de vente à perte est, en effet, de permettre aux distributeurs de lancer des opérations commerciales ponctuelles, et donc de faire baisser les prix de l’essence, sans subventionner le prix du carburant. Le gouvernement a adressé une fin de non-recevoir à certaines demandes de l’opposition, comme la baisse de la taxation ou la mise en place d’une ristourne.

« Notre méthode c’est d’engager tout le monde, l’ensemble des acteurs économiques, dans cette lutte contre l’inflation », a précisé le ministre de l’Economie, car « l’Etat ne peut pas porter à lui seul le coût de l’inflation, sinon ça va creuser les déficits ».

Le gouvernement le répète régulièrement : il a déjà beaucoup fait pour limiter la hausse des prix de l’essence, il est temps que les distributeurs prennent en charge une partie du fardeau. Début septembre, Bruno Le Maire avait expliqué qu’une ristourne de 15 à 20 centimes aurait coûté « 12 milliards d’euros ». Le principe de la subvention est par ailleurs de plus en plus contesté alors que les économies doivent accélérer leur transition énergétique vers le zéro carbone.

Le gouvernement aurait pu également baisser la TVA sur les carburants, la fiscalité représentant près de 60% du prix final payé par le consommateur. Mais l’impact financier pour le budget de l’Etat aurait été trop important à l’heure où le coût de la dette explose. « Chacun doit prendre sa part. C’est normal de mettre à contribution les gros industriels. La responsabilité de l’État, c’est aussi de baisser son déficit et sa dette », a expliqué Elisabeth Borne.

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