Déception des travailleurs indépendants. Le projet de budget présenté la semaine dernière ne prévoit pas la réforme qu’ils attendaient de longue date . Celle-ci est censée assurer une plus grande équité entre indépendants et salariés en matière de charges sociales, et doit améliorer leurs droits à la retraite.
Evoquée sous le précédent quinquennat et promise par le gouvernement dans le cadre de la dernière réforme des retraites, cette réforme figurait pourtant dans une version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024 (PLFSS) circulant avant sa présentation mercredi dernier.
Impatience
« On attend avec impatience que la mesure soit réintroduite dans le PLFSS », déclare Laurent Boulangeant, spécialiste des affaires sociales au sein de l’Union des entreprises de proximité (U2P). « On ne peut pas nous expliquer en permanence que ce sera plus tard. »
Confronté au manque à gagner que la réforme va créer pour les finances de la Sécurité sociale – de l’ordre de 1 milliard d’euros – l’exécutif a soufflé le chaud et le froid ces derniers jours. « Cela nécessite encore un peu de temps », a indiqué le ministère des Comptes publics mercredi.
Le ministre de l’Economie s’est voulu rassurant jeudi. « Un engagement pris doit être un engagement tenu, […] nous allons le faire », a affirmé Bruno Le Maire. « Nous devons parvenir dans le cadre du débat parlementaire, à un alignement de la vie des indépendants avec celle des salariés. »
« Très coûteux »
Le ministre a cependant reconnu en creux que la réforme était débattue au sein de l’exécutif. « Tout le monde m’a expliqué […] c’est très difficile, cela va être très coûteux », a-t-il lâché.
Techniquement, l’enjeu est de réformer l’assiette de cotisations et de contributions sociales des indépendants. Car à revenu net équivalent, les indépendants, pour des raisons d’assiette, payent plus de CSG (contribution sociale généralisée) que les salariés. En revanche, ils acquièrent moins de droits à la retraite sur la base de leurs cotisations.
Les indépendants ont donc plaidé pour payer moins de CSG, quitte à cotiser plus pour la retraite et donc acquérir plus de droits. Avant l’été, l’exécutif s’est cependant inquiété de l’impact de cette baisse de CSG pour la Sécurité sociale (notamment la branche autonomie), sachant que celle-ci est déjà largement dans le rouge . Les indépendants se sont donc résolus, lors de tractations récentes, à une augmentation de leurs cotisations maladie.
5 % de perdants
Malgré cette hausse, 92 % des indépendants sortiraient gagnants de la réforme, selon l’U2P. Pour les professionnels libéraux, cette part de travailleurs avantagés serait de 82 %, a estimé l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) en septembre. Seulement autour de 5 % de cette population (notamment des médecins de secteur 2 et des notaires avec des hauts revenus) devraient accepter au contraire une augmentation globale de leurs charges sociales.
Un peu rassurés par les engagements de Bruno Le Maire, les indépendants se montrent en tous les cas déterminés à faire passer la réforme. « Si cette affaire n’est pas réglée, elle va aller devant le Conseil constitutionnel », prévient Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P. « S’il faut aller devant les juridictions européennes, on ira. »