Jusque-là cantonnée à des échanges techniques, la négociation en vue de bâtir la prochaine convention d’assurance-chômage vient de connaître sa première divergence entre partenaires sociaux.
A l’issue de leur quatrième rendez-vous essentiellement consacré aux conséquences de la réforme des retraites , les syndicats ont fait savoir qu’il était urgent d’attendre l’issue de la conférence sociale ce mois-ci et, surtout, de la grande négociation sur l’emploi des seniors. A l’opposé, le patronat refuse tout statu quo, prêt, jure-t-il, à mettre fin à un mal français : faire supporter par la collectivité une partie de la facture des plans de départs volontaires.
Bornes d’âge
Le recul de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite entraîne potentiellement des conséquences sur plusieurs règles d’indemnisation basées sur des bornes d’âge. La durée d’indemnisation est par exemple de 22,5 mois entre 53 et 54 ans, contre 18 mois en deçà, ou de 27 mois à partir de 55 ans. La dégressivité de l’allocation de 30 % au bout de six mois ne s’applique plus pour les fins de contrats après 57 ans ou plus. Il y a aussi le maintien (sous condition) de l’allocation au-delà de 62 ans pour ceux qui ne peuvent pas prétendre à une retraite à taux plein faute d’avoir suffisamment cotisé.
Faut-il décaler de deux ans toutes ces bornes d’âge ? Faut-il en profiter pour rendre d’autres règles plus incitatives à la reprise d’un travail ? Les modalités de cumul allocation revenu d’activité pourraient ainsi être plus favorables, une piste évoquée par le ministre du Travail, Olivier Dussopt.
Position de principe
Chef de file de la négociation pour le Medef, Hubert Mongon, renvoie au respect de la lettre de cadrage de Matignon , qui inclue la prise en compte de l’allongement de la durée d’activité, pour refuser de renvoyer le sujet à plus tard. Ce à quoi les syndicats lui rétorquent que cela n’empêche pas le même Medef de réclamer une baisse des cotisations chômage, revendication qui, elle, n’y figure pas.
« Il y a par ailleurs un vrai sujet à regarder qui pèse très lourd. Cela fait trente ans que l’on fait reposer sur l’assurance-chômage le choix des entreprises et des syndicats », ajoute Hubert Mongon, en insistant sur le « et ». Preuve d’une logique « assumée par tout le monde », les centaines d’accords de départs volontaires signés chaque année. « Faut-il poursuivre dans cette voie ? Non. »
« Les syndicats disent que les entreprises doivent changer. On répond banco. Le régime d’assurance-chômage a dérivé au fil du temps. Ce n’est plus possible que la collectivité paie les fins de carrières des entreprises », abonde Eric Chevée pour la CPME.
Manoeuvre dilatoire
A cela, les syndicats répondent que ce sont les entreprises qui lancent des plans de départs volontaires. C’est donc à elles de démontrer qu’elles vont garder leurs seniors plus longtemps avant d’envisager les conséquences en matière d’assurance-chômage.
Les organisations de salariés dénoncent aussi une manoeuvre dilatoire dans la position du patronat : décaler de deux ans les bornes d’âge permettra de dégager des économies à même de faire passer une baisse du taux de cotisation chômage. Une baisse de 0,5 point (4,05 % actuellement) appliquée aux plus de 60 ans diminuerait les recettes de l’assurance-chômage de 200 millions par an, a calculé l’Unédic à la demande de la CPME.
« Si marges de manoeuvre il y a, notre priorité absolue c’est qu’elles servent au désendettement, répond Hubert Mongon, avant la baisse des cotisations. »