Qui détient l’accès à big data a voix au chapitre. L’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi plein-emploi a permis l’adoption d’un amendement de nature juridique, mais dont la portée institutionnelle transparaît en filigrane pour l’Unédic. L’enjeu pour l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage ? Sécuriser son rôle dans le futur réseau France travail dont Pôle emploi sera l’acteur central.
Grâce à cet amendement de la députée Modem Anne Bergantz, l’Unédic, qui en est à l’origine, va « disposer d’un accès aux données nominatives recueillies par toute institution ou organisme à qui ce dernier a confié un mandat ou une délégation, la finalité étant le pilotage stratégique, l’analyse du marché du travail et le suivi statistique ou la lutte contre la fraude ». Un décret pris en Conseil d’Etat en précisera les modalités d’application.
La Cour des comptes pointe le problème
Depuis la création de Pôle emploi en 2008, rappelle l’exposé des motifs, l’Unédic a délégué des missions à Pôle emploi pour la partie indemnisation et l’Acoss pour le recouvrement. « Cette délégation a privé l’Unédic d’un accès aux données granulaires nominatives relatives aux cotisants et bénéficiaires de l’assurance-chômage, données primordiales pour assurer un pilotage du régime efficient », peut-on lire. En 2018, la Cour des comptes avait pointé ce problème l’empêchant « d’évaluer les effets des dispositions négociées par les partenaires sociaux ».
Dans la pratique, les équipes de l’Unédic ont depuis longtemps accès au fichier des allocataires mais via une convention avec Pôle emploi. Demain, toute demande d’accès – surtout à certaines données stratégiques de la Déclaration sociale nominative (DSN) que l’opérateur a le droit de récupérer – ne pourra pas leur être refusé.
La DSN offre une mine d’informations sur le marché du travail et l’emploiStratégie numérique Unédic, présentation au conseil d’administration (extrait)
« Ce besoin de clarification juridique » est d’autant plus nécessaire dans la perspective de la création de France travail, toujours selon l’exposé des motifs. L’amendement complète d’ailleurs un autre adopté en commission qui garantit l’accès aux données partagées au sein du futur réseau des acteurs de l’emploi de l’insertion dont « le volet numérique est central ».
S’assurer d’une assise légale
La direction de l’Unédic l’a bien anticipé : en tant qu’opérateur central, Pôle emploi pilotera tous les logiciels (donc les données) de France travail. La direction de l’association paritaire doit donc « s’assurer d’une assise légale » pour y accéder, peut-on lire dans un résumé de sa stratégie numérique récemment présentée au Conseil d’administration à laquelle « Les Echos » ont eu accès.
« Sans cette garantie juridique et dans la perspective de France travail, l’Unédic craignait de dépendre du bon vouloir de Pôle emploi ou de la Dares pour telle ou telle donnée », décrypte un bon connaisseur du régime d’assurance-chômage.
En clair, par un appariement de toutes ces données renforcé par le recours à l’intelligence artificielle, l’Unédic pourra établir ses projections financières, suivre le parcours des chômeurs et donc mieux évaluer des règles d’indemnisation de manière encore plus pointue sans risque de marginalisation. Mais aussi mieux mesurer la performance de Pôle emploi, peut-on également lire dans la présentation.