Attention, sujets complexes, politiquement sensibles et sans solution miracle. Evolutions de carrières, contrats courts ou temps partiels subis figureront au menu de la conférence sociale, au moment où la question du pouvoir d’achat nourrit les revendications sociales, même si l’Insee prévoit des jours meilleurs pour la fin de l’année .
C’est tout l’enjeu de la pauvreté dite laborieuse, ou des trappes à bas salaires, qui va être débattue. C’est-à-dire de ces millions de travailleurs dont la rémunération reste scotchée au salaire minimum sous l’effet d’un enchevêtrement de paramètres, formule de revalorisation du SMIC, seuils d’exonérations de charges, ou encore barèmes de dégressivité des minima sociaux.
Minima de branches
Tout cela renvoie d’abord aux minima de branches, rattrapés par la forte augmentation du salaire minimum, du fait de son indexation sur l’inflation. Le ministère du Travail maintient la pression sur les branches en carence de négociation, pour qu’elles revalorisent leurs grilles, au besoin en les menaçant de fusion avec une autre branche vertueuse .
Les syndicats réclament que le gouvernement coupe les aides publiques aux récalcitrantes, ce qu’il refuse. La CGT demande aussi que les minima soient indexés sur le SMIC, avec peu d’espoir.
Tout cela renvoie aussi à la question de l’incitation monétaire pour les salariés, surtout les salariées, qui veulent travailler plus, mais se heurtent au rapport entre gains de revenus d’un côté, exonérations des cotisations et diminution des minima sociaux de l’autre. Il s’agit principalement de la prime d’activité, pour laquelle 10,5 milliards d’euros sont prévus dans le budget 2024 au bénéfice de 4,6 millions de foyers.
Quadrature du cercle
Directeur général de l’Insee, Jean-Luc Tavernier, résume le problème : « Quand le salaire augmente, la prime d’activité diminue jusqu’à entrer dans le barème de l’impôt sur le revenu, et le bénéfice d’un certain nombre d’allocations sous conditions de ressources est perdu. » Dit autrement, quand on augmente son revenu d’activité de tant, le revenu disponible augmente moins.
Le frein à l’incitation se retrouve aussi côté employeur, ajoute Gilbert Cette, professeur d’économie à Neoma Business School : du fait de la dégressivité des exonérations de charges sur les bas salaires, une augmentation de 1 % renchérit le coût du travail de 1,4 %.
Augmenter la quantité de travail
Que faire ? Pas grand-chose à court terme, car toucher à un paramètre de l’équation, c’est faire beaucoup de mécontents. Le sujet sera sans doute renvoyé à un comité. On imagine mal également le gouvernement toucher à la formule de revalorisation du SMIC en la renvoyant par exemple à la négociation collective, comme le suggérait le groupe d’experts sur le salaire minimum dans son rapport de 2022 .
Pour ces experts, la pauvreté tient plus à la faiblesse du temps de travail qu’au niveau du salaire horaire perçu. Que la contrainte du temps partiel subi vienne de l’employeur du fait d’horaires atypiques, c’est structurellement le cas dans certains métiers comme celui d’aide-soignante. Ou qu’elle tienne de problèmes familiaux liés à la garde d’enfants par exemple. Deux leviers où le dialogue social et l’action de l’Etat peuvent améliorer les choses.