« Nos services regardent les travaux à réaliser pour estimer les conséquences financières de ces décisions sur le coût du travail », avait indiqué le ministre du Travail, Olivier Dussopt, fin septembre. Depuis, c’est silence radio. Pendant ce temps, l’inquiétude monte au sein du patronat. Au point que la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) vient de lancer ce lundi une pétition « demand[ant] au gouvernement d’agir ».
En cause : une récente jurisprudence de la Cour de cassation qui exige qu’un salarié en arrêt maladie continue d’acquérir des droits à congé payé, même si le Code du travail dit le contraire. La plus haute juridiction judiciaire fonde ses arrêts du 13 septembre dernier sur deux textes européens : la directive européenne de 2003 sur les congés et la Charte des droits sociaux fondamentaux de l’Union européenne.
« Discrimination négative »
Les sommes en jeu sont importantes. « Cela représente un surcoût d’au moins 2 milliards par an pour les entreprises », selon le Medef. Sans compter le coût d’une rétroactivité de la mesure. Du côté de la Confédération des PME, on ne décolère pas. « Il s’agit d’un problème de fond, c’est une discrimination négative en défaveur de ceux qui travaillent », estime Eric Chevée, vice-président de l’organisation patronale chargé du social.
S’il n’exclut pas de saisir le Conseil constitutionnel, l’exercice s’annonce compliqué car la Cour de cassation se fonde sur des textes européens. L’organisation patronale en est bien consciente et cherche à limiter la casse à défaut de pouvoir contrer totalement la Cour de cassation.
Diminuer la portée de l’arrêt
Dans un message dont « Les Echos » ont eu copie, la confédération informe l’ensemble de ses structures territoriales et fédérations professionnelles adhérentes qu’elle a entamé des « démarches pour parvenir à une modification législative permettant de diminuer la portée de l’arrêt de la Cour de cassation en agissant à la fois sur le nombre de jours de congé concernés [la directive est sur quatre semaines et non cinq, NDLR] et sur le délai de prescription ».
Pour l’heure, compte tenu de la jurisprudence du 13 septembre, les salariés ayant été en arrêt de travail dans les trois dernières années et toujours en poste dans l’entreprise sont en droit de réclamer un rappel sur les années 2021, 2022, 2023, contrairement aux salariés ayant quitté l’entreprise depuis plus de six mois qui n’ont pas contesté leur solde de tout compte.
« Tant que les conséquences de cette jurisprudence ne sont pas stabilisées, il nous semble impératif de provisionner les sommes potentiellement dues pour le passé (pour les salariés toujours en poste) », insiste la CPME. A minima : l’organisation patronale alerte sur le fait que, « même si ce n’est pas [son] interprétation, certains commentateurs font remonter la prescription au-delà de trois ans, jusqu’au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ».
Pour les arrêts de travail en cours et à venir, les employeurs ont deux options ; la CPME refuse de trancher l’alternative à leur place. La première option consiste à « tirer dès à présent les conséquences pratiques des arrêts de la Cour de cassation, ainsi que le recommandent certains professionnels, ce qui représente un coût conséquent ».
La seconde option est de « continuer à appliquer strictement le Code du travail [donc de ne pas assortir les arrêts maladie de droits à congé payé] ». Cela « constitue, et il faut en être conscient, une prise de risques en cas de contentieux, (saisine du conseil de prud’hommes en rappel de congés payés, voire résiliation judiciaire ou prise d’acte de rupture de son contrat de travail) », avertit la CPME.