Améliorer la qualité des métiers en général, de ceux pour lesquels les employeurs ont le plus de mal à trouver des candidats en particulier et, ainsi, briser ce plancher de verre des 7 % de taux de chômage sur lequel butte la France depuis des décennies. Si personne ne renie la démarche, encore faut-il mesurer la qualité de l’emploi ce qui, de manière surprenante, n’a jamais été fait en France.
L’étude publiée par deux chercheurs pour le compte de France Stratégie, un centre de réflexion rattaché à Matignon, vient combler ce vide. Il en ressort que la fiche de paie ne fait pas tout. Cette étude élargit à l’ensemble des métiers issus de la nomenclature des 87 familles professionnelles (FAP) du ministère du Travail ce qui avait été fait à la sortie du premier confinement pour les métiers dits de la « deuxième ligne » .
6 groupes et 24 indicateurs
« La crise sanitaire a révélé les tensions entre utilité et qualité de l’emploi », a rappelé Christine Erhel, conseillère scientifique auprès de France Stratégie, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Forte augmentation des difficultés de recrutement, pouvoir d’achat en berne ou encore allongement de la durée de vie au travail ont depuis accentué l’intérêt de la démarche.
Reprenant la même approche, l’étude, basée sur des données de 2019, aboutit à classer les métiers en 6 groupes à partir de 24 indicateurs relevant des salaires, des horaires, de la formation ou encore des contraintes physiques ou psychologiques. Aucun n’affiche une qualité d’emploi parfaite, même si une certaine hiérarchie en ressort.
Dans le premier groupe par exemple, tous les clignotants sont au vert, sauf celui de la durée de travail, très supérieure à la moyenne, avec d’importants risques psychosociaux à la clé. « Il regroupe peu ou prou tous les métiers d’encadrement », a précisé Vincent Donne, chef de projet à France Stratégie, l’autre chercheur. Le 6e groupe se caractérise, lui, par des contraintes horaires fortes (travail de nuit), des salaires dans la moyenne mais jugés insuffisants. On y retrouve plutôt les métiers du soin ou de la sécurité.
Le salaire ne fait pas tout
De tout cela, les deux auteurs de l’étude en tirent plusieurs enseignements. En particulier, la catégorie socioprofessionnelle joue un rôle important : si le groupe 1 concerne les cadres, le 3e (bas salaires, intérim, contraintes physiques), regroupe principalement les métiers d’ouvriers, qualifiés ou non. Des différences importantes peuvent aussi jouer selon que le métier est exercé dans le privé ou le public.
Surtout, les salaires ne compensent pas les différences de qualité de l’emploi, la satisfaction au travail dépendant de bien d’autres critères, ont souligné Christine Erhel et Vincent Donne. Dis autrement, il n’y a pas de levier magique permettant à tous les métiers de s’exercer dans des conditions optimales.
Si l’étude, qui plus est, a le mérite de bien identifier des leviers d’amélioration par groupe de métiers, la résorption des difficultés de recrutement dépend aussi d’autres paramètres non directement liés à leur exercice. Celui de la formation notamment pour faire correspondre autant que se peuvent compétences recherchées par un employeur et compétences acquises par le candidat au poste.
A charge maintenant aux pouvoirs publics ou aux partenaires sociaux au niveau des branches ou des entreprises d’approfondir la démarche, alors que le gouvernement prépare un nouveau plan censé remédier aux difficultés de recrutement, avancent les deux chercheurs.