La Chine a beau essayer de le cacher, il est évident que son économie est en difficulté

Malgré la baisse de la perspective des obligations souveraines chinoises et les tensions avec l'Union européenne, le gouvernement ne semble pas près d'annoncer un véritable plan de relance.


L’époque où la Chine et sa forte croissance attiraient des investissements venus du monde entier n’est plus. Aujourd’hui, sa puissance économique suscite de la crainte aux États-Unis comme en Europe, en même temps que le ralentissement de sa croissance inquiète. Au début de cette année 2023, le pays est sorti du confinement qu’il s’était imposé face aux risques entraînés par la pandémie de Covid-19, mais son économie n’a pas renoué avec les forts taux de croissance d’autrefois. Et le pouvoir politique ne semble pas près d’annoncer un véritable plan de relance.

Une difficulté supplémentaire est apparue avec la demande de l’Union européenne (UE) de redéfinir ses relations avec la Chine. Du 6 au 8 décembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, le président du Conseil européen, se sont rendus dans la capitale chinoise pour participer à un sommet Europe-Chine. Leur dernière visite dans le pays asiatique remontait à 2019. Aujourd’hui, le montant des importations de l’Union européenne en provenance de Chine dépasse celui de ses exportations de 400 milliards d’euros. Ce déficit a été multiplié par dix au cours des vingt dernières années et a quasiment doublé depuis 2020.

Ursula von der Leyen n’a eu de cesse de répéter que «de tels déséquilibres sont tout simplement insoutenables». Et le 7 décembre, après l’entretien que Charles Michel et elle ont eu avec le président Xi Jinping à Pékin, elle a affirmé être «satisfaite» qu’il ait été «convenu avec le président Xi Jinping que le commerce devrait être équilibré» entre l’Union européenne et la Chine. Tout indique cependant qu’une certaine tension a entouré cette rencontre.

Quand les deux leaders européens ont ensuite parlé aux journalistes –ce que Xi Jinping ne fait jamais–, ils ont en effet indiqué avoir fermement déclaré, à propos des entreprises chinoises, que «la concurrence doit être loyale». «Nous insistons sur une concurrence loyale au sein du marché unique et nous insistons donc également sur une concurrence loyale de la part des entreprises qui viennent dans notre marché unique.»

Des discussions, mais aucune garantie

Mais au cours de cette rencontre du 7 décembre, Xi Jinping n’a pris aucun engagement en vue de modifier les pratiques commerciales de son pays. Son service de presse indique que pendant l’entretien, il a souligné que l’Union européenne et la Chine ne devaient pas se considérer comme des rivaux ni s’engager dans une «confrontation». Et le président chinois a poursuivi en disant que la Chine était prête à faire de l’UE un partenaire économique et commercial clé et à coopérer avec elle dans le domaine des sciences et des technologies, y compris en ce qui concerne l’intelligence artificielle.

De son côté, Wang Wenbin, l’un des porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a souligné que la coopération Chine-UE devait être «un cycle positif permettant le succès mutuel, et non un match à élimination directe qui ne fait qu’un seul vainqueur». Rien n’indique que sous l’effet de cette rencontre avec deux dirigeants de l’Union européenne, la Chine envisage des changements de son comportement économique.

Si, à l’évidence, la Chine n’est pas en position de force sur le plan économique actuellement, l’Union européenne ne semble cependant pas chercher à tirer parti de cette situation. C’est ce que constate le sinologue Jean-François Di Méglio, président de l’institut Asia Centre: «Plus la Chine ralentit avec un excédent fort vis-à-vis de l’Europe, plus cet excédent est un levier pour discuter avec la Chine. Car si on importe moins de produits de Chine, elle va ralentir un peu plus. Mais personne n’est dans cette logique-là. Et en face, on a une Chine de plus en plus nationaliste et qui ne reconnaît pas la dépendance et la faiblesse qu’elle a vis-à-vis de l’Occident», analyse-t-il.

«Nous attendons de la Chine qu’elle prenne des mesures plus concrètes»

Les discussions des deux dirigeants européens se sont poursuivies avec le Premier ministre Li Qiang, avec qui ils ont précisément abordé la question de la correction des déséquilibres commerciaux. Elles ont été «approfondies et ont porté sur les faits et les chiffres», a précisé Ursula von der Leyen, mais aucun plan visant à remédier aux déséquilibres en question n’a été annoncée. «Nous attendons de la Chine qu’elle prenne des mesures plus concrètes pour améliorer l’accès au marché et l’environnement d’investissement pour les entreprises étrangères», s’est quant à lui contenté de déclarer Charles Michel.

La télévision chinoise CCTV a indiqué que Li Qiang avait par ailleurs fait savoir aux deux dirigeants européens que la Chine s’opposait à une «politisation à grande échelle» des relations économiques et commerciales qui «viole les normes fondamentales des économies de marché».

Au cours de ces réunions à Pékin, d’autres sujets ont été abordés. À propos de l’Ukraine, Ursula von der Leyen et Charles Michel ont demandé à Xi Jinping de réprimer les entreprises chinoises qui contournent les sanctions internationales et qui fournissent à la Russie des composants nécessaires à la fabrication de drones, de missiles et d’obus. Concernant le Proche-Orient, l’Union européenne attend de la Chine qu’elle accentue son aide humanitaire en direction des territoires palestiniens. L’UE aura, en 2023, donné environ 100 millions d’euros en aide humanitaire pour répondre à la crise dans la bande de Gaza, tandis que la Chine a versé un peu moins de 2 millions d’euros.

Une relation économique houleuse

De son côté, restant sur le thème des échanges économiques, la Chine ne cache pas son fort mécontentement à propos de l’enquête que l’Union européenne a lancée sur les subventions massives que Pékin accorde à ses constructeurs de véhicules électriques. Des véhicules que la Chine veut exporter massivement, notamment à destination de l’Europe. De plus, à Bruxelles, une politique de «réduction des risques» a été décidée à l’égard des importations chinoises, ce qui ne plaît pas non plus à Pékin.

L’Union européenne n’est jamais parvenue à avoir une relation économique facile avec la Chine. Il a fallu sept ans de négociations serrées pour que Bruxelles obtienne des concessions sur l’ouverture du marché chinois à certains produits européens. Pékin s’était également engagée à éliminer le travail forcé dans la fabrication de produits qu’elle exporte. En décembre 2020, un accord «de principe» avait été conclu sur tous ces sujets et d’autres négociations ont été entamées sur la question du règlement des différends et sur la protection des investissements. En échange, la Chine demandait que le marché européen soit plus largement ouvert à ses investisseurs.

Il y a également longtemps que les entreprises européennes font face, en Chine, à des spoliations de propriétés intellectuelles et sont contraintes de recourir à des transferts de technologies pour accéder au marché chinois. Autant de sujets qui, entre 2015 et 2019, ont été discutés dans d’interminables négociations avec l’Union au cours desquelles la Chine s’est par ailleurs parfois engagée à rendre plus transparentes les subventions publiques qu’elle accorde à ses entreprises.

Dans son rapport annuel de 2018, la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine avait par ailleurs tenu à dénoncer les lourdeurs bureaucratiques que rencontrent les quelque 800 entreprises qu’elle représente, mais aussi les réglementations peu claires, les inégalités de traitement avec les entreprises locales, les difficultés rencontrées par les petites et moyennes entreprises ou encore la notion extensive de la cybersécurité imposée en Chine.

La mauvaise note chinoise

Aujourd’hui, dans une conjoncture moins favorable, de nombreuses raisons pourraient amener des changements de comportement du pays sur la scène économique. Le 5 décembre, Moody’s, l’une des principales agences de notation, a révisé à la baisse les perspectives qu’elle accorde à la Chine. L’agence estime notamment que les risques économiques s’amplifient et pointe en particulier les mesures de relance budgétaire décidées par Pékin pour soutenir les gouvernements locaux, ainsi que les difficultés grandissantes qui s’accumulent sur le marché immobilier chinois. Dans ces conditions, Moody’s a baissé la notation des obligations souveraines chinoises en la faisant passer de «stable» à «négative». Cependant, à long terme, la note A1 est maintenue.

À Pékin, on se dit «déçu» des conclusions de l’agence Moody’s et il n’est visiblement pas question de les prendre en considération. Chargé de mener une contre-offensive, le ministère chinois des Finances proclame que «l’économie chinoise a enregistré une reprise continue et stable dans un contexte d’affaiblissement de la dynamique de la reprise de l’économie mondiale». Selon le ministère, «cette année marque la première année de reprise économique pour la Chine après l’impact de la pandémie de Covid-19. […] Le pays peut atteindre son objectif de croissance d’environ 5% cette année». Et d’ajouter que «la Chine restera un moteur important de la croissance économique mondiale».

À travers la monde, de pareilles réponses ne parviennent à masquer que la Chine rencontre de réelles difficultés. Jean-François Di Méglio y voit un affaiblissement: «C’est une force de pouvoir cacher ses faiblesses. Si la Chine est aujourd’hui affaiblie, c’est qu’elle n’a plus les moyens de cacher les faiblesses de son économie. La principale d’entre elles, c’est de fonctionner avec un système archaïque dans lequel il y a une collusion totale entre les objectifs politiques et le pilotage de la sphère économique et financière.» Il est probable que de nombreux experts auprès du gouvernement essaient de comprendre ce qui explique le ralentissement actuel de l’économie chinoise. Mais leurs travaux ne sont pas rendus publics.

Une évolution longtemps saluée

En matière économique, la Chine reste fermement appuyée sur les résultats qu’elle a réussi à obtenir depuis la fin du XXe siècle. En 1978, le pays s’est installé dans un fonctionnement normal, largement débarrassé des contraintes idéologiques que le maoïsme avait précédemment imposées. Puis, en 1992, le régime communiste a fixé au pays un objectif ambitieux d’enrichissement de la population. Deng Xiaoping, le dirigeant d’alors, lançait qu’«il est bon de s’enrichir» ou encore qu’«être riche est glorieux». En 2001, l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a permis au pays d’appuyer son expansion sur un développement à l’échelle de la planète.

Contrairement à ce qu’imaginaient nombre de dirigeants occidentaux, cette adhésion à l’OMC n’a pas remis en cause l’autoritarisme du régime politique chinois. Mais les performances commerciales de la Chine en ont fait, à partir de 2010, la deuxième économie au monde après les États-Unis, tandis que le contrôle du pays et de ses entreprises est nettement resté d’inspiration marxiste.

Pendant plus d’une vingtaine d’années, partout dans le monde, l’évolution de la puissance économique chinoise a constamment été saluée. Entre 2000 et 2011, la croissance du pays dépassait les 10% chaque année. Il y a ensuite eu un tassement, la croissance tombant autour de 7%, puis de 5%, avant que le confinement strict, imposé par le pouvoir face au Covid-19 entre 2020 et 2022, ne ralentisse profondément l’économie chinoise.

Le pouvoir ne se précipite pas

Depuis quelques années, des économistes de diverses nationalités notaient des fragilités. L’agence Moody’s n’a fait qu’en préciser certaines. En particulier, le mauvais état du domaine immobilier chinois est, à l’évidence, un véritable fardeau pour la Chine. Depuis 2021, le nombre des faillites et de quasi-faillites d’entreprises du bâtiment se sont multipliées. Un peu partout, dans la plupart des villes moyennes, des travaux de construction ont été interrompus avant la fin du chantier, tandis que de grands immeubles achevés n’abritent aucun habitant. Le plus souvent, la rentabilité n’avait pas été étudiée.

L’un des plus importants conglomérats immobiliers chinois, Evergrande, qui avait placé trop d’actifs dans la construction d’immeubles, a déposé le bilan. Avant 2021, le domaine du bâtiment représentait près de 25% du PIB chinois. Sa situation actuelle accentue le ralentissement économique de la Chine. Mais il a fallu attendre deux ans pour que le gouvernement annonce, en novembre dernier, un plan de relance de la construction et de la rénovation de quartiers des grandes villes.

Une aide financière de l’État doit être débloquée en faveur d’une cinquantaine de promoteurs en difficulté et pour les acheteurs, les baisses des taux d’intérêt décidées depuis un an doivent être prolongées. Quant aux banques, elles sont encouragées à prêter à tous les acteurs du secteur immobilier, ce qu’elles ne font pour le moment qu’avec une grande prudence.

En tout domaine, la direction du Parti communiste donne l’apparence de ne pas se précipiter pour trouver des remèdes aux ralentissements qui apparaissent dans l’économie chinoise. Est-ce la difficulté à déterminer quelles mesures peuvent être prises et quels secteurs ou quelles régions doivent être prioritairement secourues face à ces ralentissements? Il est possible, aussi, qu’au sommet du parti, on ait du mal à se mettre d’accord sur le type d’aides que l’État peut accorder. Il y a cependant des objectifs que le régime veut atteindre. En particulier, faire en sorte qu’en 2049, année où se fêtera le centenaire de l’arrivée au pouvoir du Parti communiste, la Chine soit devenue la première puissance économique au monde, devant les États-Unis.


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