La fiscalité du logement est inadaptée aux enjeux actuels. Ce n’est pas qu’elle soit excessive, explique un rapport publié par le Conseil des prélèvements obligatoire (CPO), une émanation de la Cour des comptes, mais plutôt incohérente et inégalitaire.
Les magistrats financiers appellent à une large refonte, pour faire notamment peser davantage les prélèvements fiscaux sur la détention d’un patrimoine immobilier que sur l’acquisition de biens.
Un bouleversement
Une telle bascule se traduirait par la baisse des droits de mutation, communément appelés « frais de notaire ». Le rapport va jusqu’à parler de leur « suppression ». Ce serait un bouleversement.
Ces taxes ont rapporté 28 milliards d’euros en 2022, ce qui en fait le premier impôt immobilier en termes de rendement, devant la taxe foncière (26 milliards d’euros). Si l’on y ajoute la TVA payée sur les transactions, les taxes sur l’acquisition de biens représentent plus de 40 % de la fiscalité immobilière en France. Le CPO plaide pour qu’elles ne représentent à terme qu’autour de 20 %.
« Il s’agit de taxer davantage la rente immobilière que l’effort d’accès à la propriété », explique Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes. « Les droits de mutation à titre onéreux, collectés par les notaires pour les départements lors de l’acquisition d’un logement, ont un effet absolument négatif sur le nombre de transactions, la mobilité résidentielle et l’accès à la propriété ».
Rebâtir la taxe foncière
Le CPO ne veut pas pour autant couper les vivres aux collectivités locales. Pour compenser la baisse des « frais de notaire », il propose donc d’augmenter, à due concurrence, les impôts fonciers. La manoeuvre aurait l’avantage de fournir aux départements « des recettes plus stables, et moins liées au cycle économique », selon Pierre Moscovici. Avec une telle réforme, les taxes sur la détention de biens immobiliers représenteraient la moitié de la fiscalité du logement, contre un tiers actuellement.
Le principal problème est qu’une telle bascule n’est pas réalisable aujourd’hui, car la taxe foncière est assise sur des bases « archaïques » et « décorrélées de la réalité économique », selon les propres termes de Pierre Moscovici. Une étude réalisée par l’Insee à la demande du CPO, montre même qu’elle est régressive pour les propriétaires.
En tout état de cause, la réforme ambitieuse prônée par le CPO ne pourrait pas avoir lieu avant la refonte de la taxe foncière. Pour des raisons techniques ou politiques, celle-ci a été plusieurs fois décalée par le passé. Elle est aujourd’hui prévue pour 2028. « C’est une échéance réaliste et souhaitable », assure le CPO.
Haro sur les niches
En attendant, d’autres mesures peuvent être prises à plus brève échéance. Comme souvent, la Cour des comptes est très critique à l’endroit des niches fiscales qui viennent grignoter les recettes publiques sans que leur efficacité soit prouvée. Et la fiscalité du logement en regorge. Selon le rapport, les dépenses fiscales dans le domaine sont à la fois nombreuses (70 en 2022) et coûteuses (15 milliards d’euros de manque à gagner).
Le CPO pointe que certains dispositifs – comme le Robien, le Borloo ou récemment le Pinel – ont eu des effets inflationnistes. Cela a également été le cas, quoique dans des proportions limitées, de la suppression de la taxe d’habitation. Une étude de l’Institut des politiques publiques réalisée pour le CPO montre en effet qu’elle s’est traduite par une hausse légère des prix de l’immobilier et des loyers.
Globalement, le rapport plaide pour une simplification radicale. Le prêt à taux zéro ? Il devrait être orienté vers l’acquisition et la rénovation de logements anciens. Les locations meublées ? Elles devraient être imposées exactement comme la location nue. Les travaux de rénovation énergétique ? Il conviendrait de ne plus leur appliquer un taux de TVA réduit de 5,5 % pour privilégier des aides plus ciblées.
« Renforcer la cohérence de la fiscalité du logement nécessite de la reconnecter aux réalités économiques locales, de mettre en extinction des dépenses fiscales inefficaces ou insuffisamment ciblées et de mieux répartir l’imposition à pression fiscale constante, estime Pierre Moscovici. C’est une réforme d’ampleur. Evidemment, ce ne peut être que progressif afin de lisser dans le temps les conséquences pour les ménages ».