Le secteur de la santé se cherche une boussole. Le gouvernement a beau assurer que l’accès des Français aux soins fait partie de ses chantiers prioritaires, la succession des ministres de la Santé en charge brouille son message et inquiète.
« Ce ministère en est à son troisième ministre en un an et demi ! » s’agace l’union syndicale Action praticiens hospitaliers, après la démission la veille d’Aurélien Rousseau , en désaccord sur la loi immigration .
Des promesses qui « vont s’évanouir »
La ministre déléguée chargée de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, a été désignée pour le remplacer au pied levé, mais il s’agit d’un intérim. « Toutes les discussions, tous les chantiers en cours vont s’arrêter net, tous les engagements et toutes les promesses vont s’évanouir », redoutent les syndicats hospitaliers.
Les professionnels de santé libéraux sont aussi dépités. « A quand la fin du jeu des chaises musicales au ministère de la Santé ? » a lancé le SNIIL, un syndicat d’infirmier qui attend comme les autres représentants de la profession la refondation du métier promise par l’exécutif au printemps dernier.
Avant Aurélien Rousseau, le ministère avait été occupé un an par le médecin urgentiste François Braun. Lequel avait lui-même remplacé Brigitte Bourguignon. Nommée dans la foulée de la réélection d’Emmanuel Macron, celle-ci avait dû céder sa place deux mois plus tard, en raison de sa défaite aux élections législatives.
Mesures exceptionnelles
Les ministres se succèdent mais le secteur de la santé peine à sortir de la crise. Même si les hôpitaux de Paris ont promis de rouvrir des lits , les établissements hospitaliers manquent toujours de personnels de santé et notamment d’infirmiers.
Après avoir pris des mesures exceptionnelles pour assurer le fonctionnement des services d’urgences débordés à l’été 2022, le gouvernement a promis de mieux payer durablement les infirmières et les médecins , notamment pour le travail de nuit, le week-end et les jours féries. Il a aussi mis un coup de frein sur l’intérim médical mais les tensions dans les services restent vives .
Souvent forcés de tourner au ralenti et confrontés à l’inflation, les hôpitaux attendent plus de moyens. Mercredi encore, la Fédération hospitalière de France a réclamé 1 milliard d’euros pour « répondre à l’urgence budgétaire » mais le déficit de la Sécurité sociale est déjà attendu à plus de 11 milliards d’euros l’an prochain.
Tensions sur la médecine de ville
La situation est aussi tendue pour la médecine de ville alors que les Français s’alarment des déserts médicaux. Après maints bras de fer, les professionnels paramédicaux (kinés, infirmiers, etc.) ont obtenu d’être – un peu – mieux payés par la Sécurité sociale pour faire face à l’inflation.
Cependant, les généralistes, de moins en moins nombreux pour soigner une population vieillissante, s’insurgent toujours d’être mal rémunérés et considérés. Après avoir fermé la porte à des propositions portées François Braun, les médecins libéraux sont retournés à la table des négociations.
En cinq mois, Aurélien Rousseau n’a guère eu le temps de laisser de traces même s’il a été globalement apprécié par les professionnels. L’ex-ministre a été largement accaparé par la discussion budgétaire. S’il a obtenu une augmentation des moyens pour le secteur de la santé (avec une progression de l’enveloppe budgétaire supérieure à l’inflation), le message a été brouillé par le débat sur la hausse des franchises sur les médicaments et les consultations prévue en vue de limiter le déficit de la Sécurité sociale.
Déceptions sur la prévention
L’ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne avait certes promis – comme ses prédécesseurs – de mettre l’accent sur la prévention. Toutefois, peu de mesures en ce sens ont été dévoilées. Aurélien Rousseau a certes fini par obtenir des doses supplémentaires pour protéger les nouveau-nés contre la bronchiolite mais elles ne seront pas disponibles en pharmacie. Et les autres campagnes de vaccinations (grippe et Covid) ont été poussives.
Aurélien Rousseau n’a pas convaincu les associations de lutte contre le tabagisme avec son plan antitabac . Il n’a pas non plus présenté son plan de lutte contre les pénuries de médicaments qui devait être dévoilé cette semaine.
Pharmacienne de profession, la nouvelle ministre par intérim Agnès Firmin Le Bodo, jusqu’à présent à la manoeuvre sur le dossier de la fin de vie, a donc trouvé ce nouveau dossier sur table. Reste à savoir si elle aura le temps de s’en emparer.