C’est une pratique qui laisse un goût amer aux consommateurs. Paquets de chips ou pots de yaourts moins remplis, boîtes de chocolats plus petites… Depuis que l’inflation a commencé à déferler dans les supermarchés , ménages et associations s’insurgent de la baisse des quantités de certains produits payés au même prix qu’autrefois, voire plus cher parfois.
Ce phénomène s’appelle la « shrinkflation », du verbe anglais « to shrink », rétrécir. Face à l’inflation des produits alimentaires, les producteurs ou les distributeurs préfèrent baisser le grammage vendu au lieu d’augmenter significativement la facture pour le consommateur.
Le gouvernement a décidé de s’attaquer à ce procédé en obligeant les distributeurs à informer les clients lors d’une baisse de la quantité vendue pour un article. Le ministère de l’Economie travaille à un projet d’arrêté qui pourrait entrer en vigueur d’ici la fin du mois de mars, pour « répondre à la demande des consommateurs d’être mieux informés en cas de shrinkflation sur certains produits », a indiqué le cabinet d’Olivia Grégoire, la ministre déléguée au Commerce. Une première version de cet arrêté a été soumise à Bruxelles pour en vérifier la conformité avec une directive européenne de 2015 sur la transparence des règles techniques.
« Arnaque »
En septembre, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’insurgeait déjà contre cette pratique. « C’est une arnaque, c’est scandaleux. Vous en avez moins et vous payez plus cher. Cela a toujours existé, mais cette pratique se multiplie », avait-il souligné sur franceinfo. La Première ministre Elisabeth Borne remettait une couche sur le sujet quelques jours plus tard, qualifiant la pratique de « choquante ».
Concrètement, si cette nouvelle règle est validée par la Commission, le distributeur devra indiquer « directement sur l’emballage ou sur une étiquette attachée ou placée à proximité de ce produit » si la quantité a été réduite, de même pour le prix, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 15.000 euros, d’après l’arrêté.
« On considère chez U que ce n’est pas à nous de le faire », a rétorqué sur France Inter le patron de Système U, Dominique Schelcher. Selon lui, cela risquerait de faire perdre du temps aux employés en magasin, alors que « c’est l’industriel qui sait que son emballage a baissé, que la recette a été remise en cause », a-t-il fait valoir.
Grandes marques épinglées
L’association 60 millions de consommateurs dénonce depuis des années la pratique de la « shrinkflation », qui s’est intensifiée depuis l’arrivée de l’inflation l’année dernière, et qui vise selon elle à tromper le consommateur. Elle appelait même les clients à lui signaler les articles concernés.
Findus, Lipton IceTea, Lay’s, Amora… Certaines grandes marques ont été publiquement épinglées dernièrement pour avoir réduit les quantités. En revanche, Kiri, dont les petits carrés de fromage ont perdu 2 grammes en 2022, s’est de son côté défendu d’une pratique trompeuse, invoquant un changement de recette « plus naturelle, sans additifs » et fabriquée en France.
Les marques de distributeurs n’échappent pas, elles non plus, à la tendance. Carrefour a par exemple été montré du doigt après avoir réduit la quantité de légume frais dans les filets à un euro. Mais producteurs et distributeurs se défendent de vouloir tromper le consommateur. Selon eux, l’objectif est de s’aligner sur la concurrence et d’éviter de franchir un cap de prix symbolique pour certains articles.
Le même Carrefour a par ailleurs dénoncé le phénomène dans ses propres magasins en septembre dernier, devançant l’arrêté du gouvernement. Le PDG de l’enseigne, Alexandre Bompard, avait alors signalé les produits concernés par cette inflation cachée par une étiquette afin d’encourager les producteurs à baisser les prix. Pour autant, la direction des fraudes (DGCCRF), organe du ministère de l’Economie, pointait dans une enquête début 2023 que si la pratique existait, elle ne présentait pas « de caractère généralisé et massif visant à tromper le consommateur » en France.