Retraites : le redressement des comptes passera avant la réforme

Jean Castex a précisé ce mercredi l'objet de la concertation tous azimuts qui débute avec les partenaires sociaux. La crise nécessite de s'attaquer en priorité au déficit de l'assurance-vieillesse, séparément de la création du régime universel de retraite, a-t-il déclaré.


French Prime Minister Jean Castex speaks during a session of questions to the Government at the French National Assembly in Paris on July 8, 2020. (Photo by Christophe ARCHAMBAULT / AFP)

« La crise éclaire le nouveau chemin qu’a annoncé le président de la République ». Non sans lyrisme, Jean Castex a précisé ce mercredi devant les députés, lors des questions au gouvernement, comment il comptait conduire les principales réformes à venir, « au premier rang desquelles la réforme des retraites ». Elles seront abordées au regard des dégâts causés par l’effondrement de la croissance, la résurgence du chômage, mais aussi l’explosion des déficits, notamment les 30 milliards du régime général d’assurance-vieillesse.

Jean Castex commence ce jeudi – avec Elisabeth Borne, désormais ministre du Travail – à recevoir les organisations syndicales et patronales une par une, et compte les réunir dans une séance multilatérale d’ici au 20 juillet, afin d’arrêter le calendrier et la méthode. « Nous nous retrouverons à la rentrée avec les partenaires sociaux pour décider ce qui relève de la négociation et de la concertation », a-t-il ajouté à l’Assemblée. Partisan du « dialogue et de la main tendue », il veut que tous les acteurs aient « une vision globale des sujets » afin de faire des choix cohérents et responsables, a-t-il précisé sur RMC et BFM-TV. Ces consultations ratissent donc large : retraites, plan de relance, dépendance, assurance-chômage. La santé n’est pas à l’agenda, car le Ségur doit en théorie être bouclé cette semaine .

Un mois, deux mois pour réformer

La création d’un régime universel de retraite par points n’est pas abandonnée, comme l’a promis Emmanuel Macron. Mais elle est reportée à plus tard. « Il faut séparer le futur régime universel, plus juste, nécessaire, avec disons-le, en toile de fond le devenir des régimes spéciaux » (qui devront être réformés pour « assurer une plus grande égalité entre les Français »), a déclaré le nouveau Premier ministre. Cette réforme « systémique » nécessitera de nouvelles concertations, remises à plus tard.

En revanche, l’ajustement des paramètres du système de retraite va être abordé immédiatement, dans le cadre de la concertation qui a débuté ce mercredi soir. « Qui pourrait, sur tous les bancs de cette assemblée, indépendamment de ce que vous pensez du futur régime, laisser s’effondrer le système de retraite actuel ? », a plaidé Jean Castex devant les députés. Interrogé sur l’idée d’allonger la durée de cotisation, il a botté en touche, afin de laisser sa place à la concertation. « Il faut donner un peu de temps au temps. Des fois, perdre un mois, deux mois, c’est en gagner », a-t-il répondu sur RMC et BFM-TV, donnant une indication sur la vitesse à laquelle il compte conclure.

Trois coups de cuillères à pot

Le calendrier proposé par le nouveau Premier ministre sur ce dossier hautement inflammable n’a pas manqué de surprendre les syndicats. La CFDT salue certes la volonté de prendre le temps sur les sujets de fond : « Nous sommes toujours attachés au système universel à points, mais ne sommes pas à six mois près », a déclaré son négociateur, Frédéric Sève. C’est le volet redressement qui ne passe pas : « Régler le problème financier en trois coups de cuillères à pot cet été ? Je ne comprends pas ce qu’ils ont en tête ! », s’exclame le syndicaliste, en mettant en avant les projections « extrêmement mouvantes » de déficit – 25 milliards en juin, 30 milliards à présent.

« Cette réforme, si elle devait se faire un jour, signe la fin de la répartition. C’est le début de la baisse généralisée des pensions, donc de la baisse des salaires. Tout le monde est contre ce projet », s’offusque François Hommeril, le président de la CFE-CGC, pour qui la seule place de la réforme, c’est au placard. Alors en plus, faire des économies vite fait ? « Il y a tant de choses à faire pour affronter la crise que l’on se demande bien pourquoi on est allé réchauffer ce dossier », tempête-t-il.

« La réforme on n’en voulait pas avant, on n’en veut toujours pas. S’attaquer en plus aujourd’hui aux mesures d’économies, cela veut dire augmenter la durée de cotisation ou reculer l’âge de départ à la retraite. C’est la mauvaise solution », a critiqué Michel Beaugas pour FO.

L’assurance-chômage à contretemps

Les échanges sur les suites à donner à la réforme de l’assurance-chômage imposée aux partenaires sociaux par le précédent gouvernement s’annoncent tout aussi épineux. Cette réforme « que j’approuve » a été faite au moment où le taux de chômage était en forte baisse, a rappelé le Premier ministre, prêt néanmoins à « décaler » sa mise en oeuvre. « On ne renie pas nos principes, mais nous ne sommes pas des gens obtus », a-t-il ajouté, en mettant en avant la « vie des gens ».

Les syndicats, qui réclament un retour à la convention Unédic de 2017, accepteront-ils un décalage ? Pour la première des deux mesures les plus critiquées, celle sur le calcul de l’allocation, peut-être, sachant qu’elle a déjà été reportée du 1er avril au 1er septembre. Pour la seconde, qui a durci les conditions d’éligibilité à la couverture chômage, on ne voit pas comment, puisqu’elle est en oeuvre depuis le 1er novembre.


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