Le nombre de défaillances d’entreprises n’a jamais été aussi bas depuis trente ans. Seules 17.000 entreprises ont fait faillite au cours de la première moitié de l’année , contre plus de 25.000 au premier semestre 2019. Les mesures d’accompagnement des entreprises face à la crise du Covid-19, tels que le dispositif d’activité partielle et les prêts garantis par l’Etat, ont joué. Mais pas seulement. Pour l’essentiel, cette baisse est artificielle. C’est une amélioration en trompe-l’oeil.
« On a artificiellement évité 10.000 défaillances avec l’activité réduite des tribunaux pendant le confinement et, surtout, avec l’ordonnance prise par le gouvernement permettant de considérer que toute entreprise qui n’était pas en cessation de paiement au 12 mars serait considérée ne pas l’être jusqu’au 23 août. Une partie des entreprises était donc protégée », explique Thierry Millon, responsable des études chez la société Altares. « Les PME sont toutefois allés au tribunal pendant cette période pour protéger leurs salariés et faire prendre en charge les rémunérations par le régime de garantie des salaires », remarque-t-il.
Cinquante-deux sociétés de plus de 100 salariés ont fait l’objet d’une procédure collective au deuxième trimestre, le pire chiffre depuis la crise de la dette publique en zone euro et la sortie de la récession qui s’en était suivie, en 2013. Les chaînes de vêtements tels que Camaïeu,La Halle ou encore Celio ont ouvert le bal. Les entreprises plus petites qui connaissent d’ores et déjà des difficultés devraient leur emboîter le pas.
Explosion attendue
Mécaniquement, « à partir du 24 août, les cessations de paiement vont se révéler », prévoit l’expert d’Altares. Et « le risque, c’est que, devant la fragilité des dossiers à la fin de l’été, les tribunaux n’aient d’autres options que prononcer purement et simplement des liquidations judiciaires directes sans solution de redressement ».
Alors que les entreprises françaises disposent habituellement de quatre à cinq mois de liquidités, près de 100.000 sociétés disposent de moins de trente jours de trésorerie leur permettant de faire face aux besoins les plus urgents. « La gravité de la crise aura des conséquences encore plus fortes en début d’année prochaine », prédit Thierry Millon. « La reprise est là mais elle est insuffisante pour que les entreprises retrouvent une meilleure santé d’ici la fin de l’année. Le mur de la dette n’est pas infranchissable pour beaucoup, mais il risque d’arriver trop tôt », explique-t-il.
Nombre d’employeurs attendent avec impatience les mesures du plan de relance. Mais, pour le directeur des études d’Altares, « entre juin 2020 et juin 2021, il probable qu’il y aura bien plus que 60.000 défaillances, l’économie réelle et les procédures collectives étant toujours sur un autre temps que celui des indicateurs macroéconomique. Elles ont toujours un temps de retard sur la crise. »