A l’heure où la crise sanitaire redonne vie à l’idée d’une taxe européenne sur les transactions financières (TTF), Paris peut se féliciter d’avoir pris les devants. Cette année, la taxe Tobin tricolore pourrait faire rentrer plus d’argent dans les caisses de l’Etat qu’elle ne l’a encore jamais fait depuis sa création en 2012. A fin août, les recettes engrangées s’élèvent déjà à 1,2 milliard d’euros, indique aux « Echos » une source à Bercy. Soit plus que ce qui était prévu dans la loi de Finances pour l’ensemble de l’exercice.
Ce montant représente uniquement la part destinée au budget général. Une autre part (528 millions par an) alimente le Fonds de solidarité pour le développement. Pour comparaison, l’Etat, seul, avait perçu un peu moins de 1 milliard d’euros en 2019.
Cette performance n’étonne pas vraiment les spécialistes des marchés. La pandémie qui a frappé l’Europe en début d’année a entraîné des mouvements spectaculaires en Bourse. « Il y a généralement une corrélation entre les volumes de transactions sur Euronext [l’opérateur de la Bourse de Paris, NDLR] et le rendement de la taxe sur les transactions financières », décryptent les fiscalistes de l’Association française des marchés financiers (Amafi) : « Cette année est atypique. En février et mars, au début de la crise du Covid-19, les volumes d’échanges sur les titres cotés ont quasiment doublé par rapport à la normale ».
Ruée des particuliers en Bourse
La période correspond aussi à une ruée inédite des particuliers vers la Bourse . Le confinement et la perspective de juteuses plus-values après la phase de chute des cours auraient contribué à cette poussée de fièvre des Français. S’il est trop tôt pour en déduire que la hausse des recettes de la TTF repose sur cette catégorie d’investisseurs, on sait néanmoins qu’elle s’applique aux actions des grands groupes français, susceptibles d’attirer ces nouveaux boursicoteurs.
La taxe de 0,3 % est due sur les achats de titres de 130 sociétés dont le siège social se situe dans l’Hexagone et dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d’euros. Des entreprises comme Accor, Air France, Bouygues, Casino, Lagardère ou Total figurent ainsi sur la liste publiée au « Bulletin officiel des finances publiques » en décembre 2019.
Etant donné l’équation budgétaire actuelle, ces rentrées d’argent, même si elles restent modestes, vont sans doute étouffer les critiques qui existent toujours à l’encontre de cette taxe. En août 2017, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, soulignaient déjà, en réponse à une charge de la Cour des comptes , que le rendement de la TTF était « appréciable ».
Les comptables de la rue Cambon regrettaient que la taxe ne soit pas supportée par le secteur financier mais par les investisseurs, contrairement à l’objectif de départ. Ils relevaient aussi qu’elle n’avait pas « fait disparaître les opérations nocives qu’elle visait », notamment les activités spéculatives comme le trading haute fréquence (qui donne lieu à des milliers d’annulations d’ordres en Bourse).
La Cour formulait un autre grief : l’absence d’effet d’entraînement au niveau européen. Une critique qui pourrait être caduque si l’Allemagne, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne depuis juillet, réussit son pari de mettre en place une TTF commune.