La France était en 2019 le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe. Que ce soit en termes de coût du travail, d’attraction de centres de R & D et d’investissements industriels, les feux étaient au vert jusqu’ici . C’est ce que montre le tableau de bord de l’attractivité publié par Business France ce jeudi. Mais c’était l’an passé, autant dire une éternité puisque, entre-temps, le Covid-19 a bouleversé les équilibres mondiaux.
Qu’en sera-t-il dans les prochaines années ? « Certes, le Covid a entraîné une situation économique chaotique qui bouscule tout le monde, répond Christophe Lecourtier, le directeur général de Business France, mais les fondamentaux français restent forts et d’actualité, d’autant que nous renforçons dans le plan de relancel’accent mis sur l’amélioration de l’environnement des affaires », insiste-t-il.
Rationalisations à venir
« Plusieurs investisseurs vont sans doute mettre en oeuvre des programmes de rationalisation dans un premier temps, ce qui pousse tous les gouvernements à jouer en défense aujourd’hui », reconnaît Christophe Lecourtier. « Mais ils vont aussi vite se projeter dans les années futures et dans les secteurs d’avenir », prédit le patron de Business France. C’est pourquoi, depuis deux mois, le gouvernement, qui s’attend à une concurrence exacerbée dans le monde d’après pour séduire les capitaux qui se feront probablement plus rares, se démène.
L’exécutif multiplie les « mini-Choose France » , ces visioconférences avec une thématique sectorielle entre plusieurs ministres et des patrons de multinationales qui regardent de près l’Hexagone. Le but ? Vanter les qualités de la France, le cap pro-business du gouvernement et expliquer le plan de relance. Plusieurs entreprises ont répondu présentes. Les groupes agroalimentaires Corbion et JBS, les laboratoires Merck et Moderna ou encore le site de vente en ligne Zalando ont ainsi confirmé leur intérêt et discutent activement de leur projet avec les pouvoirs publics. L’entreprise d’embouteillage Refresco a, elle, réinvesti au Quesnoy, dans le Nord.
Raccourcissement des chaînes de valeur
Avec un espoir dorénavant en plus, celui des relocalisations puisque le monde a changé et que la Chine est désormais regardée par les Occidentaux moins favorablement. « La tendance va être à une re-régionalisation des chaînes de valeurs qui, devenues mondiales se sont tellement allongées qu’elles sont devenues fragiles », estime Christophe Lecourtier. Pour lui,« les chaînes de valeur vont se raccourcir et les multinationales vont chercher à diversifier leurs fournisseurs pour répartir leurs risques : ce sont autant d’opportunités que la France s’emploiera à saisir ».
Pendant la pandémie, selon l’assureur-crédit Euler Hermes, environ une entreprise française sur cinq a connu une perturbation de sa chaîne de valeur. En conséquence, 62 % des entreprises hexagonales souhaitent s’approvisionner auprès de nouveaux fournisseurs à long terme. Mais seules 15 % veulent relocaliser leur production en France. « Le Covid-19 ne signe pas la fin de la mondialisation puisque les fournisseurs chinois séduisent encore les entreprises qui, pour beaucoup d’entre elles, ont besoin de reconstituer leurs marges », explique Georges Dib, économiste chez Euler Hermes.
La crise rebat les cartes
C’est donc loin d’être gagné pour l’Hexagone. Fin novembre, dans un sondage de l’institut Ipsos réalisé à l’occasion de la quinzième édition des « Etats de la France », auprès de responsables de sociétés étrangères implantées dans l’Hexagone, 62 % des entreprises interrogées disaient que les filiales allemandes ont été moins impactées que les françaises par la crise sanitaire. Et 53 % des dirigeants estimaient que l’impact de celle-ci sera négatif sur l’attractivité de la France.
« Le Covid a conduit à une dégradation de la situation financière des entreprises, expliquait récemment,Patrick Artus, le chef économiste de Natixis. Celles-ci vont donc essayer d’améliorer leur rentabilité et leur situation financière, ce qui va les conduire à déplacer la production vers les pays les plus attractifs en termes de coûts salariaux, de pression fiscale sur les entreprises, de réglementations et de compétences de la population active ». La bataille pour les attirer s’annonce dure.