Pour l’instant, ce n’est pas la ruée. Le 7 janvier, lorsque le Premier ministre, Jean Castex, avait annoncé la mise en place d’arrêts de travail autodéclaratifs et remboursés à 100 % dès le premier jour en cas de suspicion de Covid, il avait fait un pari audacieux. Les Français useraient-ils avec modération ou non de ce nouveau droit à se placer en arrêt-maladie ?
Les chiffres de la première semaine d’entrée en vigueur du dispositif laissent à penser que la modération l’a emporté. « A date, les chiffres des premiers jours n’indiquent pas une fréquentation anormale du site », souligne-t-on au ministère du Travail. Ont ainsi été enregistrées 22.000 autodéclarations de symptômes entre le 10 et le 17 janvier. Sur ce total, 62 % sont des salariés, les autres sont indépendants ou fonctionnaires.
« Les arrêts-maladie ne sont pas ”partis en vrille”, avec un rythme de 4.000 à 5.000 autodéclarations par jour, à rapporter à 30.000 demandes d’arrêt-maladie par jour en moyenne en 2019 », renchérit-on à l’Assurance-maladie. La courbe n’est pas non plus en phase de décollage, assure cette source. Reste que la période d’observation est jugée trop courte pour en tirer des conclusions définitives.
Tout travailleur qui éprouve des symptômes faisant penser à une infection par le Covid, ou qui a été identifié comme un cas contact par l’Assurance-maladie, peut demander un arrêt indemnisé immédiatement en remplissant un formulaire sur Ameli.fr. Il a ensuite deux jours pour se faire tester, en PCR ou en antigénique. Et encore deux jours après le résultat du test pour déclarer la date du résultat et le lieu du dépistage.
Que le test soit positif ou négatif, il peut être indemnisé dès le premier jour de son arrêt. S’il est négatif, il retourne au travail dès le lendemain. S’il est positif, un conseiller l’appelle, et lui prescrit un arrêt supplémentaire de 7 jours.
Des verrous anti-abus
L’Assurance-maladie a tout de même prévu quelques verrous pour éviter les abus. D’abord, cet arrêt de travail est réservé aux personnes qui ne peuvent pas télétravailler.
Par ailleurs, si le déclarant ne fait pas son test à temps, ou ne signale pas l’arrivée du résultat, il ne sera pas indemnisé du tout. Sur les 22.000 autodéclarations enregistrées la première semaine, la moitié a déjà donné lieu à une déclaration de date d’obtention du résultat du test, dont 65 % par des salariés, selon le ministère du Travail.
Enfin, au deuxième arrêt de travail en un mois, un agent de l’Assurance-maladie appellera systématiquement le patient afin qu’il prenne conscience de l’existence de contrôles.
Les arrêts automatisés ont été créés afin d’améliorer le volet « isolement » dans la trilogie « tester-tracer-isoler » . Beaucoup de cas contacts continuaient à se rendre au travail malgré les recommandations officielles, pour ne pas perdre des revenus avec le jour de carence, et à cause des délais avant les résultats des tests.
Toutefois cette innovation décidée dans le cadre de la procédure dérogatoire votée dans le projet de loi de budget de la Sécurité sociale pour 2021 a provoqué une certaine inquiétude dans les rangs patronaux. Elle n’a pas fait l’objet d’une concertation préalable. La CPME a fait part de sa crainte d’« une très forte augmentation des arrêts maladie » induisant « un absentéisme incontrôlé risquant de désorganiser les entreprises ».
2,8 milliards de surcoûts en 2020
L’année dernière, les surcoûts liés aux arrêts de travail dérogatoires créés pour faire face à la crise du Covid se sont élevés à 1,7 milliard d’euros pour l’Assurance-maladie, dont 80 % pour les parents devant garder leur enfant, et 20 % pour les cas contacts et les personnes vulnérables. A cela se sont ajoutés 400 millions d’euros de prise en charge de l’intégralité du coût du jour de carence entre mars et juillet, et 700 millions d’euros d’augmentation du volume d’arrêts de travail ordinaires. Soit un surcoût total de 2,8 milliards d’euros d’indemnités journalières.