Une fois de plus, les partenaires sociaux vont devoir rouler leur lourde pierre pour la ramener au sommet de la montagne. Le régime paritaire de retraite complémentaire des salariés du privé, l’Agirc-Arrco , vient de retomber dans le rouge, probablement pour plusieurs années, du fait de la crise du Covid . Et comme ces gestionnaires avisés savent qu’ils ne peuvent pas s’endetter, ils vont probablement devoir prendre à nouveau des mesures de redressement dans un futur relativement proche.
En 2020, le déficit s’est élevé à 4,8 milliards d’euros, dont 6 milliards de résultat technique et un gain financier de 1,2 milliard. Alors qu’en 2019 tout allait mieux : l’Agirc-Arrco pouvait s’enorgueillir d’un résultat positif de 1 milliard d’euros dont 200 millions d’excédent technique. Une bonne performance obtenue grâce, notamment, à des sacrifices. L’Agirc-Arrco a sous-indexé le point pendant plusieurs années, décalé les dates de revalorisation, augmenté la part des cotisations non-créatrices de droit et a même instauré, depuis 2019, un système de « bonus-malus » visant à inciter à partir à la retraite un an plus tard.
400 millions de cotisations évaporées
Ce déficit résulte de l’effondrement de l’activité et donc de la masse salariale. Quant aux pensions, elles ont été versées sans coup férir, et leur montant suit sa pente ascendante du fait du vieillissement et de l’amélioration des carrières. Une dépréciation de 600 millions a été décidée pour des cotisations restant à recouvrir à la clôture des comptes.
Néanmoins, les cotisations ne sont pas si mal rentrées que cela, malgré une activité économique en forte baisse : en 2020, le régime a perçu 95 % des cotisations collectées en 2019, et 92 % de ce qu’il prévoyait d’encaisser avant la crise sanitaire. Sur 75 milliards d’euros dus, seuls 400 millions se sont évaporés.
De plus, l’Agirc-Arrco a volé au secours des entreprises et des assurés en accordant 52.000 délais de paiement, 25.000 reports de cotisations, en maintenant les droits de 8,8 millions de salariés en activité partielle pour un coût de 4 milliards d’euros et en offrant plus de 100 millions d’euros d’aides exceptionnelles à 100.000 bénéficiaires du régime, pour un montant moyen de 1.100 euros.
La capacité de rebond de l’économie
L’accident de 2020 ne devrait pas se reproduire en 2021, rassurent les gestionnaires, puisqu’il est uniquement lié à la chute temporaire de l’activité et donc des recettes. « Cela renvoie à la capacité de rebond de l’économie française. Une grande partie du déficit va se résorber naturellement », a affirmé mardi François-Xavier Selleret, le directeur général de l’Agirc-Arrco. Néanmoins, comme indiqué au Conseil d’orientation des retraites en novembre , un déficit technique devrait persister en 2021, autour de 3,5 milliards d’euros.
Les réserves financières du régime ont diminué de 3,9 milliards d’euros, à 61,7 milliards d’euros, soit l’équivalent de neuf mois de pensions. Elles demeureront supérieures au seuil d’alerte de six mois de prestations jusqu’en 2026, estime l’Agirc-Arrco. Le régime est « un paquebot qui traverse la tempête mais les vagues ne passent pas par-dessus le pont », s’est félicité le président Didier Weckner, en rappelant qu’au début de la crise, on envisageait 6 à 9 milliards de déficit… « On est dans la fourchette la plus basse, […] on a toujours été prudents », a-t-il commenté.
Interrogé sur d’éventuelles nouvelles mesures pour rectifier la trajectoire financière du régime, il a répondu qu’il était trop tôt pour cela, et précisé qu’« à ce jour, il n’y a pas de rendez-vous ». Toutefois, « vraisemblablement à l’automne, on pourrait décider de se recroiser pour décider s’il y a des mesures à prendre », a-t-il concédé. La crise n’est pas encore finie.