Il n’y a pas qu’au Royaume-Uni que le transport routier manque de bras. En France aussi, une pénurie de main-d’œuvre se fait sentir. Si elle est moins dramatique qu’outre-Manche, où les besoins s’élèvent à 100.000 chauffeurs routiers supplémentaires pour faire face à la demande, selon la fédération britannique du transport routier (RHA), les organisations professionnelles du secteur la chiffrent tout de même à 40.000 à 50.000 emplois non pourvus.
«C’est l’ensemble de la chaîne logistique qui est en tension, des conducteurs aux chauffeurs-livreurs en passant par les salariés travaillant dans les entrepôts», affirme Alexis Degouy, délégué général de l’Union TLF (Transport et logistique de France). Le manque de candidats pourrait même s’aggraver dans les prochaines années, selon Jean-Marc Rivéra, délégué général de l’OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens). «Les besoins pourraient atteindre les 100.000 postes dans les cinq ans à venir», alerte-t-il. Un rapport publié par la Dares en octobre 2020 montrait d’ailleurs que les conducteurs routiers faisaient partie des 30 métiers les plus en tension en France en 2019.
Car cette pénurie n’est pas un phénomène nouveau. «Le problème existait déjà en 2019, mais s’est logiquement éteint avec la crise du Covid, et resurgit avec la reprise de l’activité que l’on observe actuellement», note Alexis Degouy. Une crise des vocations que les représentants du secteur attribuent notamment à un déficit d’image. «L’image du camion qui pue et accidentogène est aux antipodes de la réalité», affirme Jean-Marc Rivéra. «Les camions sont aujourd’hui très connectés, ils disposent de nombreux éléments de sécurité, et les normes énergétiques sont en train d’évoluer.»
«Travailler dans le transport routier, ce n’est pas seulement conduire un camion»
Lui-même reconnaît que le transport routier «n’a pas assez communiqué». Notamment sur ses différents métiers. «Travailler dans le transport routier, ce n’est pas seulement conduire un camion», souligne Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Cariste, préparateur de commandes, mécanicien, technicien de maintenance… Les métiers sont variés, souligne-t-elle. «Il y a un travail sur l’aspect orientation à faire avec Pôle Emploi et le ministère de l’Éducation nationale», estime-t-elle. Même pour l’activité de chauffeur, l’image d’un routier partant des semaines sur les routes «ne correspond pas à la réalité de la majorité des conducteurs», souligne Alexis Degouy. «Les déplacements peuvent se limiter à la région, avec retour au domicile chaque soir», confirme Jean-Marc Rivéra.
La question de l’attractivité des métiers, notamment au niveau des rémunérations, doit aussi se poser, selon les syndicats. Le secteur fait justement partie de ceux où des négociations entre les partenaires sociaux sont en cours pour revaloriser les minima de branche. «Mais nous n’avons pas attendu les travaux lancés par le gouvernement sur la revalorisation des métiers dits de la ‘deuxième ligne’ pour engager ces discussions», indique Alexis Degouy, qui dit «goûter peu ces injonctions gouvernementales». Si les minima sociaux sont «bas» dans le transport routier, admet Jean-Marc Rivéra, ils «ne correspondent pas à la réalité du secteur, avec des rémunérations bien souvent supérieures, liées notamment aux primes», assure-t-il, jugeant nécessaire un travail de communication également sur ce sujet.