Juste à temps. A la veille de la tenue du conseil d’administration de l’Agirc-Arrco, chargé de décider ce jeudi du montant de la revalorisation des retraites complémentaires des salariés du privé, l’Insee a relevé sa prévision d’inflation . Cette publication va permettre d’augmenter un peu plus que prévu les pensions complémentaires en novembre : 1 %, au lieu de 0,9 % proposés par le bureau de l’Agircarrco en septembre .
Les revalorisations sont calculées en fonction de la hausse des prix hors tabac sur douze mois glissants jusqu’à novembre. En 2021, elle devrait s’élever à 1,5 %, au lieu de 1,4 % dans le pronostic de juin.
Ce léger mieux est un lot de consolation pour les ex-salariés du privé. Ils n’ont pas eu de revalorisation l’année dernière à cause de la crise du Covid qui a plombé l’économie. A présent, en novembre, la revalorisation est plafonnée 0,5 point en dessous du niveau de l’inflation. Et il est prévu de sous-indexer à nouveau jusqu’à 0,5 point dans un an.
Une surindexation possible en 2022
En juillet, les partenaires sociaux gestionnaires du régime se sont résignés à ce sacrifice pour prévenir un dérapage de la trajectoire budgétaire . En effet, ils sont convenus il y a trois ans, via un accord interprofessionnel, de conserver en permanence l’équivalent de six mois de prestations en réserve dans leurs caisses en projection sur 15 ans. Après les retards de cotisation en cascade de la crise du Covid, l’Agirc-Arrco risquait de sortir des clous, d’où cette réaction rapide.
La CFE-CGC, la CGT et FO n’ont pas voulu approuver cette perte de pouvoir d’achat des retraités, mais ils n’ont pas non plus fait jouer leur droit d’opposition, qui aurait pu faire capoter l’accord. Preuve que les partenaires sociaux tiennent à la gestion paritaire du régime.
Quant aux syndicats signataires, ils n’ont pas changé d’avis en voyant les perspectives d’activité s’améliorer. « Je pense que cela va affecter les projections de long terme sans altérer significativement le diagnostic », considère Frédéric Sève de la CFDT. « Et n’oubliez pas que nous avons monté une réaction étalée dans le temps. Si la conjoncture est vraiment différente et que les prévisions de long terme changent, on pourra sous-indexer moins l’an prochain, voire ne pas sous-indexer, ou même surindexer. »
La revalorisation de 1 % de la valeur de service du point va tout de même coûter 850 millions d’euros. La valeur d’achat du point va, elle, progresser de 0,2 % – la hausse est faible, mais elle compense l’effort réalisé en 2020 pour éviter une baisse.
Les salaires mènent la danse
En janvier, ce sera au tour des retraites de base d’augmenter, sur la base de l’inflation observée d’octobre à octobre. Le pourcentage final n’est pas encore connu, mais la trajectoire financière de la branche vieillesse du régime général est bâtie sur l’hypothèse d’une revalorisation de 1,1 % dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2022.
Cela sera peut-être davantage, vu le dynamisme des prix. Mais le décrochage du niveau des retraites va s’accentuer dans les prochaines années, si aucune réforme n’est entreprise pour inverser la tendance.
Comme les pensions sont indexées sur les prix et non sur les salaires, qui progressent plus vite, les retraités perdent du pouvoir d’achat par rapport aux actifs. Ces dernières années, cela n’a pas fait trop de remous, car la croissance était faible, les pensions s’amélioraient (avec des carrières plus complètes pour les nouveaux retraités) et le niveau de vie des retraités restait légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population.
La chute programmée du taux de remplacement
Mais avec le rebond de l’économie, la situation n’est plus la même et le décrochage progressif des retraites par rapport aux salaires devrait reprendre. Pour l’année prochaine, le budget de la Sécurité sociale prévoit un écart de 4,6 points entre la progression de la masse salariale (6,1 %) et celle de l’inflation hors tabac. Rebelote en 2023, avec un écart de 2,4 points (3,9 %). Ce delta va s’amenuiser, mais les pressions salariales devraient rester fortes par la suite.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit ainsi que le taux de remplacement à la retraite d’un non-cadre du secteur privé devrait chuter de 74 % du dernier salaire aujourd’hui aux alentours de 63 à 65 % pour la génération née en 1990. L’indexation sur les prix, véritable talon d’Achille du système de retraite, aurait dû disparaître dans le système universel de retraite voulu par Emmanuel Macron (avec une indexation sur les salaires). Le problème reste entier.