Les marchés actions ont-ils perdu pied avec la réalité ? Alors que les doutes grimpent sur la solidité de la croissance face à la flambée des prix de l’énergie et à une inflation plus durable qu’attendu, le S & P 500 a enchaîné cinq séances de hausses. A 4.519 points, il n’est plus qu’à un cheveu (0,38 %) de son record historique du 4 septembre dernier.
Les investisseurs sont pourtant loin d’être aveugles face à la détérioration de l’environnement économique. En témoigne l’étude mensuelle de Bank of America auprès de plusieurs centaines de gérants internationaux. Ils sont même, selon cette enquête, une majorité à s’attendre à une croissance en berne ces 12 prochains mois, pour la première fois depuis les débuts de la pandémie de coronavirus en avril 2020.
« Vendre mais pour faire quoi ? »
Les perspectives ne sont pas meilleures pour les entreprises. Les gérants interrogés par la banque américaine s’attendent à un ralentissement de la croissance des profits et à des pressions baissières sur les marges. Les craintes de « stagflation » , définie comme une période de croissance économique inférieure et d’inflation supérieure à la tendance de long terme, sont au plus haut depuis près de dix ans.
Mais plus que jamais, les investisseurs n’ont pas vraiment d’autre choix que de maintenir leur exposition aux actions. « Vendre des actions, mais pour faire quoi ? », feint de s’interroger Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan AM. « Face à l’inflation, le cash et les obligations vont souffrir, mieux vaut rester investi en Bourse », explique-t-il.
L’effet « TINA »- l’acronyme de « il n’y a pas d’alternative » en anglais – joue à plein régime. Les allocations sur les actions se maintiennent à des niveaux records : 52 % des actifs financiers en dollar des ménages, fonds d’investissement et fonds de pension sont investis sur les Bourses mondiales, davantage que lors de la bulle internet.
Les obligations délaissées
Et la part des actions a toutes les chances de continuer à grimper alors que des milliers de milliards de dollars dorment encore dans des fonds monétaires et des comptes courants, estiment les stratégistes de Goldman Sachs. Les obligations souveraines, elles, apparaissent à beaucoup comme le pire des choix. Elles souffrent de la perspective d’une double peine, entre resserrement des politiques monétaires et inflation élevée.
Résultat, les investisseurs se détournent de ces actifs. Les allocations sur les obligations sont à un plus bas historique, rapporte Bank of America. Les fonds obligataires ont enregistré des sorties sur quasiment tous les segments de marché au cours de la semaine dernière.
Les taux américains à long terme ont repris leur ascension ces derniers jours. Les Treasuries à dix ans offrent désormais un rendement de 1,63 %, un plus haut depuis mai dernier. Or, le prix des obligations chute quand les taux augmentent. Pas encore de quoi attirer les investisseurs à la recherche de rendement pour autant : le rendement des bénéfices, calculé en ramenant les bénéfices par action au prix des titres, reste largement supérieur à ce taux sans risque.