La cagnotte fiscale née de la forte reprise aurait dû être utilisée bien plus franchement pour réduire l’énorme dette héritée de la crise sanitaire. C’est le message que fait passer au gouvernement le Haut Conseil des finances publiques dans un avis paru ce mercredi, alors que Bercy est en train d’actualiser sa trajectoire budgétaire pour 2021 et 2022.
« Le Haut Conseil constate que, contrairement à ce qu’il préconisait dans son avis de septembre 2021, le surcroît de recettes attendu n’est pas consacré au désendettement, mais qu’il est, au contraire, plus que compensé par un surcroît de dépenses ou de mesures de baisse des prélèvements obligatoires », regrettent ainsi les sages budgétaires dans le document.
Flambée des prix
C’est la deuxième fois depuis la rentrée que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) critique – toujours en termes feutrés – la stratégie budgétaire du gouvernement. En septembre dernier, fait inédit, cette institution indépendante liée à la Cour des comptes avait ainsi refusé de se prononcer sur le réalisme de la prévision de déficit pour 2022 de Bercy, au motif qu’il y avait beaucoup trop de flou sur le niveau réel des dépenses. Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, s’était alors engagé à saisir à nouveau le HCFP, une fois précisé le montant réel des crédits nouveaux.
Depuis, les annonces d’Emmanuel Macron se sont succédées – avec notamment le plan France 2030 et les mesures visant à amortir les effets de la flambée des prix de l’énergie – au point qu’une quinzaine de milliards de dépenses nouvelles ont été enregistrées pour 2021 et 2022. C’est ce qui est acté dans la présentation ce mercredi en Conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative pour 2021 et de l’actualisation du scénario économique pour le budget 2022.
Dans ce nouveau scénario budgétaire, Bercy anticipe désormais un déficit de 8,1 % du PIB en 2021 (contre 8,4 % en septembre) et de 5 % en 2022 (4,8 % prévu en septembre). Le Haut Conseil juge toutefois que le solde public pour cette année pourrait être « légèrement inférieur » au niveau annoncé par l’exécutif. La prévision de croissance de 6,25 % « devrait être dépassée » compte tenu des bons chiffres dévoilés par l’Insee la semaine dernière .
Cela devrait donc faciliter un peu plus les rentrées fiscales et sociales, d’autant que les prévisions sur l’emploi de l’exécutif sont jugées encore très prudentes. Les sages budgétaires évoquent ainsi une « sous-estimation des recettes assises sur la masse salariale ».
Prudence pour 2022
Si le millésime 2021 s’annonce sous de bons auspices, le HCFP reste en revanche plus prudent pour 2022, jugeant le niveau de déficit « plausible ». Certes, les recettes devraient encore être dopées par la très bonne tenue de l’emploi, mais « le degré d’incertitude qui entoure la prévision de dépenses est important compte tenu de mouvements d’ampleur affectant les nouvelles dépenses », est-il écrit. La dépense publique devrait représenter 55,7 % du PIB l’an prochain, en baisse par rapport au niveau de 59,7 % attendu en 2021 et de 60,8 % de 2020, mais encore nettement supérieur à l’étiage d’avant-crise (53,8 % du PIB en 2019).
Autre variable susceptible de changer les choses, la prévision d’inflation de Bercy de 1,5 % pour 2022 est jugée « trop basse », compte tenu « de la hausse des prix de l’énergie et de la nette amélioration du marché du travail ». Le HCFP note qu’une hausse de 15 dollars du prix du baril est susceptible de grossir le déficit public de 0,1 point de PIB, donnant ainsi raison au gouvernement quand il assure que la flambée des prix à la pompe n’est pas une bonne affaire pour les comptes publics.
Repli de la dette
Dans ce contexte, les sages budgétaires constatent que le repli du ratio de dette publique pour 2022 est « plus fort que prévu », l’endettement passant de 115,3 % en 2021 à 113,5 % en 2022 (contre 116 % dans la précédente prévision). Mais ils n’en créditent pas le gouvernement, puisque « cela ne résulte toutefois pas d’une réduction du déficit public mais d’opérations de gestion de trésorerie de l’Etat ». Surtout, ils critiquent le fait que la forte augmentation des recettes fiscales constatées depuis la rentrée « ne soit pas consacrée au désendettement ».
Devant ces critiques croissantes, l’exécutif a déjà cherché à donner des gages en termes de désendettement pour la suite. « Si nous dépassons les 6,25 % de croissance cette année, les recettes supplémentaires seront affectées à la réduction du déficit 2021 », a ainsi promis mardi, dans une interview aux « Echos », Olivier Dussopt , le ministre délégué aux Comptes publics. Cela pourrait représenter « de l’ordre de 3 à 5 milliards d’euros » en plus dans les comptes, a précisé mercredi devant l’Assemblée nationale Bruno Le Maire, évoquant « l’objectif de passer de 8,1 % à 8 % de déficit » en 2021.