Le temps du politique n’est pas celui de l’évaluation. Un an après un premier rapport sur la méthode, le comité scientifique indépendant chargé d’évaluer le grand plan d’investissement dans les compétences (PIC), une promesse phare d’Emmanuel Macron, a présenté ce mercredi un deuxième opus, qualitatif celui-ci. Mitigés, les résultats pâtissent du manque de recul et des effets de la crise sanitaire, mais montrent néanmoins que le plan n’a pas eu, à ce stade, d’effet significatif sur l’emploi des personnes très éloignées du travail.
Conçu en 2017, mais véritablement lancé en 2019 après une année de rodage, le PIC est la pièce maîtresse du quinquennat pour l’insertion des chômeurs de longue durée et/ou peu qualifiés. Une moitié des 15 milliards dévolus au PIC d’ici à 2022 finance, par l’intermédiaire des régions, des formations, avec certification à la clé, censées mieux coller aux besoins des entreprises. Une autre enveloppe sert à moderniser l’appareil de formation en parallèle de plusieurs programmes nationaux, pour les réfugiés par exemple.
Démarrage réussi
Du point de vue quantitatif, le démarrage n’a pas souffert de raté, a souligné le président du comité, Marc Gurgand, professeur à l’Ecole d’économie de Paris. En 2019, le comité a relevé 1 million d’entrées en formation, soit 213.000 de plus qu’en 2017. On était donc à mi-chemin de l’objectif politique fixé. Sauf que le million en question intègre une forte dose de formation pour des chômeurs qualifiés, ce qui remet en question le satisfecit du ministère du Travail quand il a fait son propre bilan à mi-parcours en avril.
Qui plus est, la crise a marqué un gros coup d’arrêt avec une baisse de 21 % des entrées en formation en 2020. Si le nombre de formations s’est plus que maintenu l’année dernière, c’est parce que le recours au compte personnel de formation (CPF) a explosé en même temps. Les profils des bénéficiaires des deux dispositifs se recouvrant en partie, cela pose la question de leur concurrence, d’autant que l’engouement pour le CPF, porté par sa facilité d’utilisation, ne se dément pas. « C’est une question ouverte et très importante vu l’effet massif du CPF, mais qui demande du recul pour y répondre », a reconnu Marc Gurgand.
Besoin de temps pour juger
Pour ce qui est des effets du PIC, là encore il faudra du temps pour voir de quel côté penche vraiment la balance. Signe positif, le PIC a augmenté de 3 points (11 % contre 8 %) la probabilité pour un chômeur d’être formé dans l’année qui suit sa perte d’emploi. Pour autant, cette amélioration du taux d’accès a concerné autant les chômeurs non qualifiés, cibles du plan, que les autres.
Pour les formations certifiantes, la progression est même moins rapide. « Le faible recours à la formation, pourtant disponible, des chômeurs non qualifiés soulève une question difficile identifiée depuis longtemps », a relativisé Carole Tuchszirer, vice-présidente du comité et chercheuse au Lise et au Centre d’études de l’emploi et du travail (CNAM). Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, freins sociaux par exemple. Il ne fallait pas s’attendre à un changement instantané, a-t-elle ajouté.
Retour à l’emploi : pas d’amélioration
Reste « LA » question principale, celle dont la réponse fera que le PIC aura ou non réussi : le plan améliore-t-il le taux de retour à l’emploi des chômeurs peu qualifiés ? Pour rappel, il est censé ramener durablement dans l’emploi 300.000 personnes d’ici à la fin du quinquennat, soit une baisse de 1 point du taux de chômage structurel, défendait en 2017 l’un de ses artisans, l’économiste Jean Pisani-Ferry.
Il faudra attendre l’analyse des données 2021 et même 2022 pour en juger. A ce stade estime le comité, le PIC n’a pas amélioré les choses. En clair, les formations « PIC » améliorent de sept points la probabilité de trouver un travail, un niveau constaté pour tous les plans de formations de chômeurs précédents. Autrement dit, le PIC a eu pour principale valeur ajoutée (toujours à ce stade) de profiter à beaucoup plus de chômeurs compte tenu des sommes massives investies.