« Apprentissage. Très urgent » Une fois en place, le ou la prochaine ministre du Travail trouvera sûrement en tête de la pile des dossiers préparés par ses services celui du financement de cette forme d’enseignement par alternance. Longtemps synonyme d’échec scolaire, elle connaît un engouement exceptionnel : près de 675.000 contrats vont être signés cette année dans le secteur privé , selon un décompte des « Echos », nouveau record historique !
Réforme Pénicaud de 2018 , reprise économique, plan de relance : les raisons de cet engouement ne font pas débat. La façon de le financer, si ! La question n’est plus de savoir quand, mais combien et surtout comment, car le gouvernement issu des urnes devra remettre plusieurs milliards au pot. En clôturant la récente assemblée générale de la Fédération nationale des directeurs de centres de formation d’apprentis (Fnadir), la ministre du Travail, Elisabeth Borne, ne l’a pas caché . « Chantier prioritaire », a-t-elle déclaré.
Quoi qu’il en coûte
La première décision à prendre, conjoncturelle, porte sur l’avenir de la prime à l’embauche d’un apprenti – 5.000 euros pour un mineur, 8.000 euros au-delà de 18 ans – qui prend fin le 30 juin 2022. Faut-il la prolonger pour s’assurer que la courbe continue de grimper ? Ou revenir à la situation avant Covid, à savoir une aide dégressive, réservée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux diplômes du bac ou infra, quitte à assumer publiquement un coup de frein ?
La seconde décision appelle un arbitrage politique en haut lieu car elle renvoie à une promesse associée à la réforme que le prochain exécutif choisira, ou non, d’assumer : tout contrat d’apprentissage sera financé. Le principe de ce « quoiqu’il en coûte » version alternance est simple : à chaque fois qu’un jeune en signe un, son centre de formation (CFA) touche une somme forfaitaire correspondant au diplôme suivi pour couvrir les frais pédagogiques.
Quelle place dans le système de formation
Autrement dit, plus les employeurs embauchent d’apprentis et plus il faut trouver d’argent. Le hic, c’est que la seule taxe d’apprentissage payée par les entreprises (0,68 % de la masse salariale, 0,44 % en Alsace-Moselle) n’y suffit plus. Au vu de la progression actuelle, l’augmenter ne suffira pas, quand bien même les entreprises en accepteraient le principe.
Elisabeth Borne a parfaitement résumé l’enjeu. Au-delà des questions de gros sous, a-t-elle dit, la dynamique de l’apprentissage « interroge sur sa place dans notre système de formation ». En clair, compte tenu de son rôle pour l’insertion des jeunes, l’apprentissage doit être érigé au rang de politique publique à part entière. C’est d’autant plus nécessaire que le chiffre d’un million d’apprentis paraît à portée de prochain quinquennat. A ce niveau c’est un pourcentage significatif d’une classe d’âge dont il s’agirait.
Coût ou investissement ?
C’est là que l’étude du cabinet Goodwill-management pour le compte de l’association de CFA Walt est intéressante. « On présente toujours l’apprentissage comme un coût. Nous avons voulu alimenter le débat pour montrer que c’est un investissement rentable pour la Nation », plaide le délégué général de Walt, Olivier Gauvin.
Analysant les 525.600 contrats d’apprentissage privés et publics signés en 2020, l’étude conclut qu’en moyenne et sur une durée de douze ans environ, un contrat coûte 15.602 euros aux finances publiques, entre les frais pédagogiques, les primes à l’embauche (celles d’avant crise ont été prises pour refléter une situation normale), les exonérations, ou encore les subventions aux régions.
Finances publiques gagnantes
Ce même contrat en rapporte 18.970 euros du fait d’une meilleure insertion sur le marché du travail, de l’augmentation des cotisations sociales ou des recettes publiques grâce au gain de pouvoir d’achat de l’apprenti, sans oublier les coûts pédagogiques évités (le cursus du jeune est moins long). Soit un gain net de 3.368 euros qui peut se lire de la façon suivante : 1 euro investi dans l’apprentissage en rapporterait 1,21 aux finances publiques.
Il serait intéressant que d’autres études confirment ou non le rapport coût/bénéfice de l’apprentissage. Si tel était le cas, cela conforterait la nécessité pour l’Etat d’investir de manière pérenne. Comment ? En choisissant, par exemple, d’appuyer sur tel ou tel niveau de diplôme pour favoriser tel ou tel métier, en bonne intelligence avec les branches professionnelles.