Au rythme de plus de 200.000 cas positifs détectés chaque jour, est-ce qu’on va tous attraper le coronavirus ?
Non, car la vaccination joue son rôle malgré l’explosion des cas . L’incidence chez les personnes âgées est d’ailleurs cinq fois moindre que chez les jeunes adultes, et l’objectif est que ces personnes âgées ne rencontrent pas Omicron. Donc il y aura bien une hausse de l’immunité naturelle, mais nous ne contracterons pas tous le virus.
Omicron est-il en soi plus transmissible, ou bien est-il juste avantagé par rapport à Delta parce qu’il résiste mieux aux vaccins ?
Des éléments théoriques suggèrent qu’il combine ces deux qualités. Sur la trentaine de mutations observées, certaines favorisent la fixation du récepteur, la réplication, ce qui accroît la performance du virus, ce qu’on appelle la « fitness ». D’autres mutations favorisent l’échappement vaccinal – avec une moindre protection par les anticorps, mais tout de même une immunité cellulaire préservée.
Avec ce variant, le temps d’incubation est plus court et la phase contagieuse raccourcie ?
Oui, la réplication est plus rapide. Donc, tout se raccourcit, y compris la phase symptomatique – ou asymptomatique mais contagieuse. L’enjeu, c’est de pouvoir diminuer les temps d’éviction pour les personnes contaminées, notamment pour les professionnels de santé. Cette caractéristique facilite les décisions de raccourcissement de la durée d’isolement . Les Etats-Unis l’ont réduite à 5 jours pour les patients positifs, c’est très peu.
Il fallait protéger 87 % de la population pour créer une immunité collective avec Delta. Qu’en est-il avec Omicron ?
Il faut que tous les adultes aient reçu leur troisième dose ! Et d’ailleurs, les adolescents aussi. Nous avons proposé au Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale qu’ils deviennent éligibles. Ca ne devrait pas tarder, car c’est un moyen efficace de réduire la circulation virale. Quant aux adultes, il y a déjà eu 23 millions de rappels. Ce n’est pas mal, mais il faut avancer le plus vite possible, à marche forcée . Il reste 27 à 28 millions de primo-vaccinés qui n’ont pas fait leur rappel. J’espère bien que nous allons réussir à passer le cap de 7 millions de vaccinations par semaine en janvier.
Comment faire ? On a frôlé le million quotidien avant Noël, mais depuis, l’enthousiasme est un peu retombé…
Je trouve que 400.000 à 500.000 vaccinations par jour entre Noël et le Nouvel An, c’est plutôt bien. Les vaccinateurs ont le droit de souffler, et les vaccinés de penser à autre chose dans cette période. On a observé le même creux chez les Britanniques.
En janvier, je compte sur une participation croissante des médecins généralistes. Aujourd’hui, ils sont rebutés par la procédure de commande hebdomadaire de vaccins, mais ils peuvent aussi s’arranger avec leur pharmacien et prendre des doses à l’officine. Dans les centres de vaccination, on peut encore élargir le nombre de vaccinateurs en ayant recours à des secouristes de premier niveau. C’est tellement important d’aller vite.
Il y a eu 700.000 premières injections en décembre, mais il reste 5 millions de non-vaccinés. Combien pourront être convaincus, ou touchés par les opérations « aller vers » ?
C’est impossible à dire ! En tout cas, la petite augmentation du nombre de primo-vaccinations en décembre est corrélée à l’annonce du passe vaccinal. C’est essentiel.
Comment démarre la campagne vaccinale des 6-11 ans ?
Ma petite fille de 6 ans et demi vient de recevoir sa première injection ! Il y a encore très peu d’enfants vaccinés, environ 20.000 depuis le 20 décembre, c’était prévisible. Je m’attends à un décollage en janvier, car les centres de vaccination auront mis en place leurs lignes pédiatriques.
L’urgence, ce sont les enfants fragiles, qui représentent 20 à 40 % des hospitalisations pédiatriques pour Covid. La croissance ne sera pas explosive. Il y a une réticence des parents, mais ils vont s’apercevoir au cours du premier trimestre que la vaccination est anodine et efficace, comme il y a un an quand on a commencé la vaccination des adultes. J’espère qu’on protégera au moins la moitié des enfants. Il faut aussi aller au-delà de 80 % pour les adolescents.
Quel est le degré de protection conféré par la troisième dose face à Omicron ?
Le rappel permet de réduire de 70-75 % le risque d’infection. On n’a pas encore de données très précises sur la protection contre le risque de formes graves, mais on peut penser qu’elle atteint 90 %. N’oublions pas cependant que Delta est encore là, qu’il est plus agressif, et que la protection vaccinale est encore supérieure face à ce variant, quand on cumule le rappel avec la primo-vaccination.
A quoi bon, si la protection vaccinale diminue très vite ?
En effet, une étude britannique suggère que la protection contre l’infection chute rapidement, mais cela reste à éclaircir. C’est un point clé à suivre de très près pour adapter la stratégie de lutte contre l’épidémie.
A court terme, il est évident qu’une campagne massive de rappels est la meilleure arme pour freiner la vague et pour éviter qu’elle ne se transforme en hospitalisations. L’Institut de Pasteur ; ce n’est pas rien. Cela justifie la décision de raccourcir à trois mois le délai entre la deuxième et la troisième dose : certes, un intervalle plus long amplifierait la réponse immunitaire, mais la priorité est de vacciner maintenant, et les trois mois ont permis d’ouvrir le rappel à 5 millions de personnes supplémentaires.
Israël veut déjà lancer la campagne de la quatrième dose… N’y a-t-il pas un risque si on cumule des revaccinations tous les trimestres ?
Israël est confronté à une problématique particulière : ce pays est constamment en avance sur le reste du monde en matière de vaccination, mais la troisième dose semble y avoir atteint un plateau, un peu plus de 60 % des patients éligibles.
Sur le plan médical, il n’y a aucun risque de tolérance à vacciner tous les trois ou quatre mois. Le vrai risque, c’est la lassitude des Français et l’acceptation sociale. Il faudra décider en fonction de deux facteurs : la durée de protection contre Omicron, pondérée par l’intensité de la circulation virale, et la perspective de l’arrivée de vaccins spécifiques contre ce variant. Dans l’immédiat, nous avons de quoi occuper le système de santé avec les dernières primo-vaccinations, les rappels massifs et la vaccination des enfants.
Les vaccins ciblant Omicron doivent arriver en mars, ne peut-on pas trouver des vaccins universels pour ne plus avoir à courir après les variants ?
Des chercheurs essaient de mettre au point un vaccin universel, mais sur la grippe, les efforts en ce sens n’ont jamais abouti. On va probablement d’abord avoir des vaccins spécifiques contre Omicron. Et on sait désormais qu’avoir eu Omicron induit une réponse immunitaire très forte contre Delta. Il n’est pas exclu que les vaccins combinés pour plusieurs variants arrivent aussi très vite, car les laboratoires travaillent dessus de longue date : le virus « sauvage » plus Bêta, Delta plus Omicron…
En revanche, les vaccins non-ARN messager qui sont annoncés, Novavax, Valneva, Sanofi seront probablement un peu moins efficaces et ne seront pas en première ligne.
Est-on mieux protégé quand on a été intégralement vacciné, ou bien quand on a été infecté ?
Je dirais que la combinaison des deux offre la meilleure réponse en termes d’anticorps. L’infection naturelle génère une réponse immunitaire locale au niveau du nez, de la gorge, peut-être des bronches, là où elle débute, ce que ne permet pas la vaccination. Mais la vaccination confère une protection pulmonaire très forte, et permet donc de lutter efficacement contre les formes graves.
Avec Omicron, qui semble mois grave, des jeunes en bonne santé peuvent être tentés de se laisser infecter afin de « renforcer leur immunité »…
D’abord, on ne renforce pas son système immunitaire avec une infection. L’immunité reste ciblée. Ensuite, même quand on est jeune, on n’est pas à l’abri de formes graves, et Omicron n’est pas anodin. J’attire aussi l’attention sur la solidarité collective : chaque jeune vacciné diminue le risque de transmission vers des personnes âgées ou vers les 200.000 à 300.000 Français immuno-déprimés. Ne mésestimez pas ce risque et jouez collectif.
Que sait-on de la sévérité d’Omicron, justement ?
Des études sudafricaines, britanniques, danoises, convergent pour dire qu’Omicron réduit d’un facteur 2, voire 3 ou 4, le nombre d’hospitalisations. C’est énorme. On a déjà la certitude qu’il est moins sévère que Delta ; peut-être également moins que son prédécesseur Alpha.
Combien de fois peut-on se réinfecter ?
Certaines personnes se sont déjà infectées deux ou trois fois. Mais le plus souvent, il s’agit de formes bénignes, à part chez les personnes fragiles. Il est possible qu’Omicron marque le début d’une évolution vers des variants moins sévères. Alors, l’histoire nous mettra progressivement à l’abri.
Nous avons espéré il y a quelques mois que le coronavirus se trouvait dans un cul-de-sac évolutif ; Omicron a douché nos espoirs en prenant des embranchements différents et en combinant une multiplicité de mutations. On ne peut prédire que le virus a épuisé toutes ses capacités de mutations. Néanmoins, si la sélection du virus continue à se faire par une meilleure transmission, il n’est pas exclu qu’on soit au premier stade d’une évolution vers des formes moins sévères.