En 2021, l’inflation a été l’invitée surprise en France. En décembre, elle a atteint un niveau très élevé de 2,8 % en glissement annuel, selon les estimations provisoires de l’Insee. Le sujet prenant une tournure politique, la commission des Finances du Sénat a décidé de se pencher sur « les perspectives et les conséquences à moyen terme » du phénomène en auditionnant mercredi les économistes.
Selon eux, le phénomène est parti pour durer encore plusieurs mois. « Après une évolution des prix de 0,9 % par an sur la période 2015-2020, nous prévoyons que l’inflation se maintiendrait au-dessus de 2,5 % à horizon de la mi 2022 », a indiqué le directeur général de l’Insee Jean-Luc Tavernier. Charles-Henri Colombier chez Rexecode a estimé, lui, qu’il fallait réévaluer les prévisions réalisées à la fin de l’an dernier. « En décembre, nous anticipions une inflation un peu supérieure à 2,5 % en 2022. Aujourd’hui, on ne serait pas loin de 3 % », a-t-il indiqué.h
Hausse des prix des produits alimentaires
Dans ce concert, la Banque de France a de nouveau fait entendre une voix un peu différente. L’institution monétaire table toujours sur le scénario d’une « bosse » de l’inflation suivie d’un recul lui permettant de revenir sous les 2 %, en données harmonisées, – un indicateur différent de celui de l’Insee -, d’ici à la fin de l’année (contre 3,4 % en décembre 2021).
Pour son directeur général, Olivier Garnier, l’incertitude porte « sur l’ampleur et la durée de la bosse ». Les aléas sont nombreux compte tenu du variant Omicron. En tout état de cause, l’inflation s’installera à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.
L’année passée, c’est d’abord la flambée des cours de l’énergie qui avait nourri la hausse des prix. Se sont ajoutées l’envolée des coûts du transport, les pénuries et les désorganisations des chaînes de production qui ont suivi.
En 2022, tout va encore dépendre des soubresauts de la pandémie. Pour autant, « le consensus global est que ce choc d’offre devrait se résorber, probablement au premier semestre », a relevé Christophe Blot, directeur adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Au cours des prochains mois, l’inflation devrait plutôt être portée par la hausse des prix des biens manufacturés et alimentaires, selon Jean-Luc Tavernier. Et pour cause : les prix de production dans l’industrie ont bondi de 16 % sur un an en novembre 2021, et les prix agricoles à la production se sont eux aussi envolés.
Désormais les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir répercuter sur le consommateur les augmentations de coûts subies. Cette situation risque d’attiser les revendications salariales. D’ores et déjà la Banque de France anticipe une hausse annuelle de l’ordre de 3 % des salaires, contre 2 % avant la crise sanitaire.
Le pouvoir d’achat, priorité des Français
Face aux poussées inflationnistes resurgit la question du pouvoir d’achat des ménages , touchés au portefeuille par l’augmentation des dépenses contraintes (énergie, alimentation etc.). Sur ce sujet politiquement très sensible, les projections de Rexecode sont pessimistes : « Le pouvoir d’achat par ménage devrait se dégrader en 2022 et 2023 », a prévenu Charles-Henri Colombier. L’Insee anticipe aussi un repli au premier semestre. La banque centrale n’est toutefois pas sur la même ligne et s’attend à une progression cette année (+ 0,6 % prévu), mais moindre qu’en 2021 (+1,7 %).
Le pouvoir d’achat s’impose comme la première préoccupation des Français dans la campagne présidentielle. L’exécutif a pris les devants en dégainant une série de mesures pour contrer les effets de l’envolée des cours de l’énergie. Tous les candidats affûtent leurs propositions pour répondre aux inquiétudes des électeurs.