L’exercice 2021 devait marquer la fin du « quoi qu’il en coûte ». Quelle est au final sa facture totale pour les comptes publics ?
L’Etat a engagé une large gamme de dépenses pour faire face à la crise, que ce soit les aides d’urgence apportées aux entreprises indépendamment du plan de relance et du plan d’investissement (fonds de solidarité, activité partielle etc.) ou celles mises sur la table pour les tests ou les vaccins. Si l’on fait le compte total, sur les trois années frappées par la crise sanitaire (2020, 2021 et le début 2022), la facture pour ces dépenses dépasse les 140 milliards d’euros. Dans le détail, nous avons 70 milliards de dépenses en 2020, un peu plus de 60 milliards en 2021 et une petite dizaine de milliards pour 2022.
Est-ce qu’il faudra rajouter des crédits pour gérer la suite de la crise en 2022 ?
La provision de 5 milliards que nous avions prévue pour la vaccination et les tests cette année sera dépassée. Rien que pour janvier, la campagne de tests devrait coûter sans doute un peu plus de 1,5 milliard d’euros, après 1 milliard en décembre . Il est encore trop tôt pour dire de combien nous aurons besoin, puisque cela dépendra de la situation épidémique et de la campagne de vaccination . Mais nous avons voté une enveloppe Covid de 16 milliards en 2021, ce qui représente sans doute un plafond de dépenses pour 2022.
Les recettes de l’Etat dépassent de près de 20 milliards les prévisions de la loi de finances rectificative du mois d’octobre.
Est-ce que la campagne de tests massive ne devient pas prohibitive pour les finances publiques ?
Nous mettrons en oeuvre les crédits nécessaires, car c’est le meilleur investissement que nous pouvons faire pour répondre à la crise sanitaire, protéger les Français et soutenir l’économie. L’intérêt général est de répondre à la situation sanitaire.
Il faudra également prévoir des moyens supplémentaires pour les entreprises ?
Les aides annoncées au début du mois pour soutenir les entreprises affectées par la vague Omicron (avec le renforcement du dispositif coûts fixes et l’activité partielle) représentent un coût de 150 à 250 millions par mois dans la situation sanitaire actuelle. C’est une somme conséquente mais modérée, quand on la compare à ce qui a été engagé au pire de la crise.
Nous avions prévu pour la financer d’utiliser 2 milliards de crédits non consommés l’an dernier. Mais il s’avère que ces crédits non consommés sont encore plus importants que prévu. Nous disposons de 3,8 milliards, ce qui devrait largement suffire.
Le regain d’inquiétude sur la crise sanitaire à la fin d’année a-t-il eu un impact sur les recettes engrangées par l’Etat ?
Pas du tout. La croissance reste meilleure que ce que nous avions anticipé (6,7 % attendus par l’Insee) et les recettes de l’Etat dépassent de près de 20 milliards les prévisions de la loi de finances rectificative du mois d’octobre.
Côté ménages, le surplus atteint 1,6 milliard – en impôt sur le revenu et prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. En matière de TVA, 3,6 milliards d’euros de plus sont rentrés dans les caisses de l’Etat.
Mais c’est du côté des entreprises que la différence est la plus conséquente : l’impôt sur les sociétés a rapporté 10 milliards de plus que prévu. Les résultats dégagés en 2021 ont enregistré un fort rebond.
Cette bonne surprise fiscale explique donc que le déficit public soit moins fort que prévu ?
Le déficit sera proche de 7 % du PIB , bien en dessous de la prévision de 8,2 %. Cela s’explique par la situation des comptes de l’Etat, qui bénéficient de recettes plus élevées, mais aussi de dépenses moins fortes, avec notamment une baisse de 2,9 milliards pour les dépenses des ministères.
La situation des comptes de la Sécurité sociale est, elle aussi, très bien orientée : la reprise économique a fait rentrer 8 milliards de cotisations sociales supplémentaires par rapport aux attentes, avec à la clé un déficit de près de 25 milliards contre 33,5 milliards prévus initialement.
Est-ce que ces recettes supérieures vont permettre de réduire l’endettement ?
Comme nous nous y étions engagés avec Bruno Le Maire, les recettes supplémentaires ont été entièrement affectées à réduire le déficit. De telle façon que la reprise de la croissance et la baisse du déficit pourraient se traduire, dans les chiffres définitifs de l’Insee fin mars, par une réduction en 2021 du poids de la dette, que personne n’attendait aussi tôt. Le taux d’endettement devrait être compris entre 113 % et 115 % du PIB en 2021, alors que la prévision fin octobre était de 115,3 %. Il continuera à baisser en 2022.
Vous restez donc confiant pour 2022, malgré les aléas de la crise sanitaire ?
Il est bien sûr encore un peu tôt pour être affirmatif sur 2022, mais le dynamisme des recettes fiscales montre la solidité de notre reprise économique. Nous considérons que notre croissance potentielle va être rehaussée par les réformes du gouvernement, ce dont témoigne le rebond des investissements. Cela change tout : même si la croissance en 2021 s’est révélée plus forte que prévu, nous estimons que cela n’atténue pas l’effet rebond pour 2022. Nous maintenons donc notre prévision de croissance de 4 % pour 2022, avec un déficit de 5 % du PIB.
Le coût pour l’Etat s’élève à 8 milliards pour la seule baisse de la principale taxe sur l’électricité.
Quel est le principal facteur de risque pour le budget cette année ?
C’est le coût de l’énergie. Nous avons déjà pris des mesures massives pour protéger les Français et les entreprises contre une flambée des prix. Le coût pour l’Etat s’élève à 8 milliards pour la seule baisse de la principale taxe sur l’électricité. Le gouvernement va, en complément, rehausser de 20 % le volume d’électricité vendu à prix réglementé par EDF (dispositif ARENH). Il faut également ajouter les dispositifs en vigueur pour le gaz, le chèque énergie exceptionnel et l’indemnité inflation .
Le coût total de toutes ces mesures est de près de 15 milliards pour l’Etat. Comme on le voit, l’Etat ne gagne pas d’argent avec la hausse des prix de l’énergie comme il en avait été accusé, bien au contraire.
La prime inflation n’a pas pu être versée à un grand nombre d’employés à domicile en décembre, car ils n’avaient pas donné leur RIB à l’Urssaf. Quelle est la situation désormais ?
Sur environ 1 million de bénéficiaires, l’Urssaf disposait des coordonnées bancaires de près de 400.000 d’entre eux en décembre dernier. Les prises de contact de nos services ont permis de collecter les coordonnées bancaires de près de 100.000 bénéficiaires supplémentaires et les relances vont se poursuivre pour les bénéficiaires restants.
La charge de la dette risque de remonter avec les taux d’intérêt…
Nous avons intégré un surcoût de 4 milliards d’euros sur les titres indexés en 2022 pour tenir compte de l’inflation. Nous restons très vigilants. Notre hypothèse de taux d’intérêt est fixée à 0,75 % pour les obligations à dix ans cette année, sachant que la moyenne annuelle s’est établie à 0 % pour les émissions à long terme en 2021, et que notre dernière émission s’est effectuée à 0,3 %.
Comment ont évolué les effectifs de fonctionnaires l’an dernier, et plus globalement sur l’ensemble du quinquennat ?
Nous visons la stabilité des effectifs de l’Etat sur le quinquennat et atteindrons cet objectif.
Loin des 50.000 suppressions initialement prévues…
Nous l’avons assumé depuis longtemps, parce que nous avons tenu compte de la priorité accrue donnée aux missions régaliennes, des besoins sociaux exprimés lors du grand débat post « gilets jaunes » et de la crise sanitaire.
Les objectifs chiffrés de suppressions de postes avancés pour une élection présidentielle ne sont donc plus d’actualité ?
Les dernières années ont montré que cela n’avait pas beaucoup de sens. Il faut faire les choses à l’endroit : en rendant les services publics plus efficaces, on peut aboutir à des gains de postes, mais il faut commencer par faire les réformes adéquates.
Valérie Pécresse veut supprimer 150.000 postes nets, notamment dans « l’administration administrante »…
Je ne crois absolument pas au réalisme d’un tel chiffre, et « l’administration administrante », je ne sais pas ce que ça veut dire.
L’Institut Montaigne estime que pour revenir sous les 3 % de déficit d’ici à 2027, il faudrait réaliser 70 milliards d’économies, ce qui serait inédit…
Notre programmation budgétaire présentée l’an dernier montrait que cet objectif était atteignable en contenant à 0,7 % par an la hausse des dépenses publiques en volume, ce que nous sommes parvenus à faire pendant les trois premières années du quinquennat. Notre capacité à retrouver plus rapidement que prévu le PIB d’avant-crise et à générer une croissance durablement plus dynamique rend cette trajectoire d’autant plus crédible.
C’est avant tout par la croissance que nous réduirons la dette. Nous ne referons pas les erreurs de 2011-2012, qui avaient consisté à vouloir redresser trop vite les comptes publics en augmentant les prélèvements obligatoires. En réduisant la pression de 50 milliards d’euros depuis 2017, nous avons effacé les deux chocs fiscaux de 2011 et de 2013.
Faut-il aller au-delà, et programmer de nouvelles baisses d’impôts, comme le défendent le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et le rapporteur du budget à l’Assemblée, Laurent Saint-Martin ?
C’est un vrai débat. Diminuer encore la fiscalité serait souhaitable pour la compétitivité de l’économie et la réindustrialisation du pays. Mais cela devra aller de pair avec la maîtrise des dépenses publiques pour garantir à nos concitoyens que de nouvelles baisses d’impôts s’inscriront dans la durée.