Facette inverse de la baisse spectaculaire du chômage , l’emploi salarié privé a très fortement progressé en 2021, comme le montre l’estimation encore provisoire de l’Insee publiée ce vendredi. Au quatrième trimestre, l’économie française s’est enrichie de 106.700 postes, dépassant légèrement les 20 millions. Soit, fin décembre, plus de 650.000 en un an (+3,3 %). Il faut remonter à 2000 et les 600.000 emplois de plus cette année-là sur un champ à peu près semblable, pour trouver pareil record, même s’il faudra attendre début mars pour avoir la photographie définitive, secteur non marchand inclus.
En prenant un peu moins de recul, les chiffres ont ceci d’impressionnants qu’ils ont totalement effacé, et même mieux, le trou d’air de 2020, quand bien même ils sont cohérents avec la progression de 7 % du PIB l’année dernière. La comparaison par rapport à fin décembre 2019 fait en effet ressortir près de 300.000 emplois supplémentaires (+1,5 %), très loin du tsunami de licenciements annoncé.
Bond de l’intérim
La hausse enregistrée au quatrième trimestre est la quatrième successive, après un net redressement aux premier (+0,8 %) et deuxième trimestres (+1,5 %) et une hausse similaire au troisième (+0,5 %), rappelle l’institut statistique national. Similaire, mais meilleure qu’attendu puisque l’Insee tablait sur + 0,2 % seulement. L’écart provient de l’intérim, comptabilisé d’un seul bloc dans cette publication, qui a connu un très fort engouement. Avec 71.100 postes supplémentaires entre fin septembre et fin décembre (+9,1 %), il a largement dépassé son niveau d’avant-crise.
« Nous ne nous attendions pas à un tel bond de l’intérim », reconnaît le chef de la division synthèse et conjoncture du marché du travail, Sylvain Larrieu, qui avance plusieurs explications : multiplication des plateformes logistiques, recrutements en masse par l’Assurance-maladie pour le traçage des cas contacts, ou encore forte demande dans le BTP qui a plutôt privilégié les embauches classiques depuis un an.
Les agences de travail temporaire ont peut-être aussi été très sollicitées pour remplacer les salariés malades du Covid, dont le nombre a grimpé en flèche avec Omicron en fin d’année dernière, qui occupent des métiers non ouverts au télétravail. « Le taux d’absence a très fortement progressé », abonde Eric Heyer, Economiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). De ses calculs, il ressort que 300.000 cas positifs par jour se traduisent par 3,2 % d’heures travaillées en moins absorbées en faisant travailler davantage les collègues et/ou en recourant à des intérimaires.
« N’oublions pas non plus que la croissance du dernier trimestre s’est révélée plus élevée que prévu », ajoute Sylvain Larrieu. Un autre facteur a sans doute joué, le record de contrats d’apprentissage . Près de 720.000 ont été signés l’année dernière, dont 700.000 dans le privé, ce qui ne peut que mécaniquement profiter à l’emploi des jeunes, et donc à l’emploi en général.
Hors travail temporaire, l’emploi salarié privé a augmenté modérément, de 0,2 % précisément, soit 35.600 emplois supplémentaires au quatrième trimestre. Les effectifs ont continué d’augmenter légèrement dans l’industrie mais restent inférieurs à leur niveau d’avant crise. Ils ont ralenti à nouveau dans le tertiaire marchand, et se sont stabilisés dans la construction, toujours hors intérim.
VIDEO. L’état des lieux du marché du travail en France
Et pour 2022 ? Ralentissement du PIB oblige – la Banque de France prévoit une hausse de 3,6 %, ce qui reste très élevé – l’emploi devrait logiquement suivre la même pente. L’économie rattrapant ses gains de productivité tendanciels d’avant-crise, la croissance sera moins riche en emploi, confirme Eric Heyer. A cela s’ajoutent les difficultés de recrutements qui n’épargnent que peu de secteurs d’activité.
A ce stade, l’Insee anticipe 35.000 et 45.000 emplois supplémentaires, privé et public cumulés, aux premier et deuxième trimestres de cette année.