La crise sanitaire a entraîné une révolution culturelle au sein de l’administration fiscale et des Douanes. Dans son rapport annuel publié ce mercredi, la Cour des comptes ne manque pas de saluer la rapidité d’adaptation des services et l’efficacité des soutiens déployés à l’égard des entreprises.
Les magistrats financiers ont passé au crible trois types de mesures fiscales mises en oeuvre pour faire face aux conséquences de l’épidémie sur le tissu économique. Tout d’abord les dispositifs de soutien à la trésorerie des entreprises, tels que les reports de paiement des impôts directs ou des dettes fiscales et l’accélération de remboursements des créances fiscales dues aux sociétés.
Fiabilité insuffisante
Au total, jusqu’à 2,3 milliards d’euros de paiements d’impôts ont été reportés sur une durée de trois à neuf mois. La Cour constate que la quasi-totalité des reports a été régularisée par les entreprises à la date convenue avec le fisc.
Elle pointe toutefois des problèmes liés à certaines applications informatiques, qui ont rendu le traitement par les agents plus lourd et le reporting imparfait. La Cour regrette ainsi la « fiabilité et la précision insuffisante des données de suivi eu égard aux enjeux ». Elle regrette aussi que ces données aient été présentées par le gouvernement sans être assorties des réserves suffisantes.
Autre dispositif : les baisses temporaires d’impôts, pour un total de 4 milliards d’euros. La Cour n’a rien à redire sur les baisses de taxes appliquées sur les produits destinés à lutter contre l’épidémie (masques, gants, gel hydroalcoolique, vaccins, seringues…) pour 1,6 milliard. Cette perte de recettes a en effet largement bénéficié à des opérateurs publics comme Santé publique France.
Manque d’information du Parlement
En revanche, elle critique la méthode et le manque d’information du Parlement en ce qui concerne le prolongement de l’avantage fiscal sur le gazole non routier. Le secteur du BTP devait voir sa réduction de taxe fondre progressivement, mais avec la crise, l’exécutif a reporté cette mesure. Cette décision « représente un coût net de 1,7 milliard pour le budget de l’Etat sur la période 2020 à 2023 », souligne la Cour.
Enfin, les magistrats financiers se sont intéressés aux mesures de « bienveillance », consistant à suspendre puis limiter les contrôles fiscaux. Cette baisse des contrôles en 2020 a été significative (-17 %) et a fait chuter de 34 % les droits rappelés, à 2,5 milliards. La suspension des pénalités de retard, qui devait s’appliquer aux impôts directs, a été élargie à la TVA pour de simples raisons techniques liées à l’outil informatique, regrette la Cour.
Avec la reprise des contrôles, les magistrats enjoignent Bercy à un suivi plus rigoureux des « engagements de responsabilité » (versement de dividende, rachat d’actions, siège ou filiale dans un paradis fiscal…) pris par les entreprises qui ont bénéficié des mesures fiscales de crise. « Il importe que l’administration fiscale fixe la liste des entreprises liées par ces engagements, ce qui n’est pas le cas pour le moment, et prévoie de contrôler spécifiquement le respect de ces derniers ».