Avec le Covid, la dépense de santé a quitté le rivage familier des économies de gestion au jour le jour, pour aborder sur une terre inconnue et luxuriante. En témoigne le budget de la Sécurité sociale pour 2022 : hors Covid, par rapport à 2019, les dépenses de santé sont en croissance de près de 30 milliards.
Aucune économie ne sera réalisée cette année sur l’hôpital, contrairement à ce qui se pratiquait avant la crise, lorsque la branche maladie devait économiser chaque année plus de 4 milliards par an sur le tendanciel. Au contraire, un plan d’investissement et de reprise de dettes de 19 milliards d’euros a été engagé.
Certes, le contexte est particulier. L’épidémie n’est pas tout à fait terminée, et il y a un consensus social sur la nécessité de soutenir le système de santé. De plus, 2022 est une année électorale, ce qui n’incite pas à resserrer les cordons de la bourse dans l’immédiat.
Néanmoins, il y a fort à parier que la politique du rabot en santé va être moins bien tolérée au cours du prochain quinquennat qu’elle ne l’a été pendant une décennie, lorsque la priorité était de redresser la Sécurité sociale. Dans ce nouveau monde, il faudra probablement réapprendre à faire des choix politiques pour se donner les moyens d’investir.
Le coût de la souveraineté sanitaire
En effet, la société vieillit, avec des malades chroniques et polymorphes, et des soins qui coûtent plus cher, pendant longtemps. Il faut également réarmer la santé publique pour faire face aux maladies émergentes façon Covid – plus personne n’en doute après la démonstration grandeur nature de nos vulnérabilités. Cela implique par exemple de sécuriser des stocks sanitaires, voire des capacités de production sur le territoire national ; or cela a un coût.
De plus, il faut financer les révolutions thérapeutiques en cours, du côté des traitements avec l’ARN messager (qui ne sert pas qu’à fabriquer des vaccins) ou les thérapies géniques, du côté des dispositifs médicaux, dopés par l’intelligence artificielle, la connectivité et la robotique.
Les économies sur le médicament se corsent
Le gouvernement a promis aux laboratoires pharmaceutiques une progression moyenne de 2,4 % par an des dépenses de produits de santé pendant trois ans, au lieu de 1 à 1,5 %. En 2022, ce sera 1 milliard. Le temps où le médicament pesait 15 % de la dépense totale mais 50 % des économies semble révolu, au moins pour quelques années.
Enfin, le « Ségur de la Santé », avec plus de 10 milliards de revalorisations salariales pérennes, ne sera pas un solde de tout compte sur l’attractivité des professions de santé. Avec ou sans gel du point de la fonction publique hospitalière, il faudra continuer à investir dans les carrières et les conditions de travail si l’on ne veut pas que les hôpitaux et les maisons de santé se vident. Et offrir des formations et des reconversions pour pallier la pénurie croissante de médecins.
Dans cet univers inflationniste, la recherche du juste soin et de la pertinence devra plus que jamais guider la gestion de la dépense publique d’assurance-maladie. Mais avec l’obligation de réformes plus structurantes de l’offre médicale (délégations de tâches entre soignants, organisations locales rapprochant hôpital et médecine libérale, etc.), afin de lutter, aussi, contre les difficultés d’accès aux soins.