Vladimir Poutine n’a pas envahi la France, cependant la guerre en Ukraine fait redouter le pire à certains Français. Le climat anxiogène et surtout le risque nucléaire poussent des familles à se préparer à se barricader dans l’éventualité où le conflit s’envenimerait. Un phénomène déjà observé il y a plusieurs décennies aux États-Unis, où des habitants étaient persuadés que la Guerre Froide se terminerait en chaos radioactif. Plusieurs milliers d’entre eux avaient donc construit, à l’époque, un bunker censé résister aux événements cataclysmiques.
En revanche, ce réflexe protecteur est beaucoup moins courant en France. Le pays compterait 1000 bunkers, dont 600 militaires et 400 privés, selon Artemis Protection, fabricant d’abris antiatomiques. Le marché se limite à des commandes publiques ou des entreprises spécialisées. Mais il semble que la guerre en Ukraine a réveillé chez certains l’envie de se faire construire un abri en plus de leur logement, rapporte BFM Business. «Nous venons d’enregistrer 4 commandes en 15 jours et plus de 360 demandes d’informations», confirme au Figaro Enzo Petrone, patron d’Amesis Construction.
La société franco-suisse, qui a pour principaux clients la Direction générale de l’Armement, Airbus ou encore Engie, propose, depuis 2012 en France, des abris en béton armé anti atomiques pour «répondre aux appréhensions de la population» et faire face aux «accidents atomiques, nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques, explosions ou bombardements». Leur surface? À partir de 14 m², modèle qui peut accueillir 6 personnes, et jusqu’à 2000 m². Ces bunkers, qui peuvent être livrés en 2-3 mois, sont équipés d’un système d’aération, de lits superposés, de toilettes à sec et portes et fenêtres blindées. Sans options, le modèle de 14 m² est vendu 86.000 euros pièce. Soit plus de 6100 euros le m²!
Comptez 280.000 euros si vous optez pour un bunker de 26 m², modèle actuellement le plus demandé (voir ci-dessous), comprenant en plus l’eau potable et un groupe électrogène (127.000 euros sans option). Soit plus de 10.700 euros le m². L’équivalent du prix d’un appartement parisien! «Certains clients nous demandent d’installer des écrans sur les murs pour diffuser des images d’extérieur (forêt, bord de mer…) ou au plafond pour simuler le ciel», raconte Enzo Petrone. Histoire d’oublier le contexte tendu et d’avoir l’impression de vivre dans une ambiance plus reposante.
Inquiets d’un risque nucléaire
Mais qui sont ces Français anxieux? «Ce sont des pères de famille d’abord inquiets du changement climatique puis du conflit en Ukraine qui peut dégénérer selon eux. Ils redoutent un risque nucléaire et une invasion russe», précise Enzo Petrone. «Nous avons des retraités, des médecins, des militaires et même des diplomates et membres de cabinets ministériels», assure quant à lui Mathieu Séranne, directeur d’Artemis Protection, cité par BFM. Lancée en janvier 2021, cette start-up vend des modèles préfabriqués (de 6,5 à 50 m²) avec une structure métallique et dit avoir reçu une dizaine de commandes depuis une semaine.
Bien sûr, ces constructions nécessitent d’avoir reçu un permis de la part de la mairie. Les contrevenants risquent d’avoir les mêmes ennuis que cet Allemand qui avait bâti un abri antiatomique en 2014 sous sa maison, par «peur» d’une attaque de la Russie. «Il a tout construit, tout seul», avait déclaré la police bavaroise. Il faut dire aussi que le propriétaire détenait dans sa cave des dizaines d’armes, quelque 20.000 munitions et 40 kilos de matériaux pour fabriquer des explosifs.