Lourdeur, intervenants trop nombreux, financements difficiles… Remis ce mardi au gouvernement, un rapport – prêt depuis juillet 2020 mais resté sous le tapis officiellement à cause du Covid – jette les bases d’une refonte totale du dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Un dispositif, qui, vingt ans après avoir vu le jour, continue de végéter . A telle enseigne qu’on ne sait pas exactement combien de personnes décrochent chaque année un diplôme ou une certification en faisant reconnaître devant un jury leurs compétences acquises sur le tas. « Son usage a même reculé », déplore la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
Née en 2002, la VAE s’adresse aux personnes sorties de l’enseignement initial sans rien. A l’origine, l’objectif visé était de 60.000 reconnaissances par an. En 2006 déjà, le gouvernement de l’époque avait tenté de simplifier les choses. Un rapport des Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Education nationale (Igaenr) a remis le couvert en 2017 . La situation ne s’est pas améliorée depuis. « Trop long, trop complexe […] c’est pourtant une des réponses alors que le secteur du grand âge offre des centaines de milliers d’emplois », renchérit Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie.
Ce nouveau rapport, issu d’une lettre de mission commandée fin 2019 par plusieurs ministères, a des chances de mettre fin au statu quo. « Le contexte propre à la pandémie du Covid rend ce besoin de changement encore plus urgent », peut-on lire en préambule. Comment ? En passant d’une VAE « sanction » (je prépare quasiment seul la reconnaissance de mes acquis devant un jury) à une VAE « parcours », beaucoup plus rapide, avec l’aide de consultants, pour monter en compétences. « Toute situation de vie est potentiellement une situation d’apprentissage », estime David Rivoire, l’un des auteurs et grand praticien du dispositif.
Lancée en novembre sur un échantillon de 300 personnes, une expérimentation a validé, selon ses tenants, le bien-fondé des préconisations du rapport avec pour résultats une réduction par quatre (de 16 à 4 mois) du délai total, par trois du taux d’abandon, ou encore près de 90 % de réussite aux certifications visées. Une seconde expérimentation va être lancée visant 3.000 volontaires cette fois-ci, pour s’assurer que tout cela tient la route avant généralisation. « Il faut passer à une autre échelle », estime Elisabeth Borne, plaidant pour que cette refonte entraîne des dizaines de milliers, voire davantage, de vocations.
Badges de compétences numériques
Aller au-delà, c’est ce à quoi réfléchit l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, convaincue que la validation de l’expérience professionnelle est un outil fondamental pour améliorer le marché du travail. Sauf que cela ne passera pas forcément par la VAE, même complètement simplifiée.
« Quoiqu’on fasse, on n’arrivera pas à crever les plafonds, grand maximum, des 150.000 reconnaissances par an. Il faut une voie complémentaire », estime un des membres de l’équipe de réflexion sous couvert d’anonymat. « La seconde expérimentation est un prérequis. Il faut un véritable outil de gestion des compétences qui sonne la fin de l’hégémonie du diplôme », complète un autre.
L’idée, en partie esquissée dans le rapport, consisterait à généraliser ce qu’on appelle les badges numériques de compétences, sorte de CV numérique enrichi tout au long d’une carrière. En clair, une application qui recense les compétences d’un actif certifiées par un tiers de confiance, sans en passer par le formalisme d’une certification. Cela pourrait être, par exemple, l’aptitude à rédiger un compte rendu de réunion ou à monter un mur en briques. Très ambitieux, ce projet n’était pas encore validé ce mardi par l’équipe programme, selon nos informations.