L’apprentissage a connu une expansion record avec la réforme de 2018 et les aides du plan de relance, au point de peser de plus en plus dans l’emploi salarié. Pour ce qui est de savoir à quelle hauteur en revanche, c’est une autre histoire. Répondre à cette question suppose que l’on connaisse le « stock » d’apprentis, c’est-à-dire le nombre de jeunes dans ce statut, à un instant donné. Ce que ni le ministère du Travail via sa direction statistique, la Dares, ni l’Insee, ou encore l’Education nationale, ne savent faire rapidement.
Compte tenu du nombre très élevé d’entrées – 1,6 million de contrats signés ces trois dernières années selon la Dares – et des sorties, une fois que le jeune a obtenu son diplôme ou parce qu’il a abandonné, les spécialistes du secteur estiment que le stock d’apprentis se situait autour de 850.000, voire 870.000, fin 2021. Ils étaient 630.000 un an plus tôt, selon les chiffres du ministère de l’Education nationale qui fournira mi-juin le décompte au 31 décembre dernier. « Les flux ont explosé mais la durée moyenne des contrats a tendance à baisser, du fait notamment du poids du supérieur dans les diplômes poursuivis », souligne un expert.
Dans une récente note bilan sur le marché du travail durant le quinquennat Macron , l’OFCE pousse le curseur plus haut. Ses chercheurs estiment, certes « prudemment » mais avec assurance, que le stock d’apprentis avoisinait 900.000 fin 2021, contre 478.000 fin 2019. Par simple différence, 422.000 emplois sous cette forme auraient donc été créés en deux ans. De quoi expliquer « l’immense majorité » des emplois salariés totaux créés sur la période, en concluent ses auteurs : au moins les deux-tiers, voire davantage.
Si l’on se réfère à sa dernière note de conjoncture , l’Insee aussi fournit des éléments de réponses, mais différents et probablement sous-estimés du fait de la nature des données utilisées (l’enquête emploi qui détermine le taux de chômage n’est pas la source la plus fiable pour cet exercice). Il en résulte que le nombre de contrats d’alternance – apprentissage, mais aussi professionnalisation ou stages – a progressé de 200.000, toujours entre fin 2019 et fin 2021. Soit 43 % de la progression du nombre d’emplois salariés total sur la période, estimée à 460.000 par l’institut statistique national qui ne peut malheureusement pas séparer la seule composante apprentissage.
Emploi subventionné
Quel que soit le pourcentage exact, les jeunes en ont profité à fond, en témoignent les hausses spectaculaires de leurs taux d’activité et d’emploi . Etant donné le montant des primes à l’embauche – 5.000 euros pour un mineur, 8.000 au-delà, soit une quasi-gratuité la première année pour l’employeur – qui ont été prolongées jusqu’à fin juin, il est probable qu’elles soient allées de pair avec un fort effet de substitution ou d’aubaine, au détriment de CDI ou de CDD classiques.
Cela ne remet probablement pas en cause l’évolution de l’emploi dans son ensemble, mais pour l’OFCE, cela pose néanmoins question. « La très forte baisse du taux de chômage, notamment des jeunes (15,9 % fin 2021, au plus bas depuis 1981) reposerait donc sur une contribution très importante de l’apprentissage, lui-même dopé par un niveau de subvention atypique », souligne la note. En clair : une subvention à 100 %, ce qui est quasi inédit, en tout cas à une telle échelle.
Coût trop élevé et intenable ou investissement utile dans la jeunesse, le débat reste ouvert. Dans une étude assez fouillée publiée en décembre dernier, le cabinet Goodwill-management a tranché : 1 euro investi dans l’apprentissage en rapporterait 1,21 aux finances publiques . La suite dépendra de la prolongation, ou non, des primes au-delà du 1er juillet, sachant que le gros de la campagne de recrutements en alternance bat son plein en ce moment. En cas de réélection d’Emmanuel Macron, il est quasi acquis que ce sera le cas jusqu’au 31 décembre au moins, si l’on en juge par les propos tenus par ses représentants devant la Fédération nationale des directeurs de centre de formation d’apprentis.