Ce sont deux chiffres qui se télescopent et pourraient engendrer un problème politique à terme. Une batterie de prestations sociales va connaître ce vendredi une revalorisation, à un niveau qui est toutefois plus de deux fois inférieur au taux d’inflation constaté en mars et qui constitue un sommet historique en France depuis 1985.
Dans le détail, le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé que la hausse réglementaire du 1er avril pour plusieurs prestations sociales sera de 1,8 %. Cela concerne le revenu de solidarité active (RSA) qui sera donc de 575,32 euros par mois pour une personne seule sans enfant, la prime d’activité versée aux travailleurs les plus précaires (563,68 euros par mois pour une personne seule), l’allocation adulte handicapée (AAH), les pensions d’invalidité et l’ensemble des prestations familiales.
Choc de pouvoir d’achat
Problème : cette revalorisation de 1,8 % intervient le lendemain de l’annonce par l’Insee d’une inflation bondissant en mars à +4,5 % . « Les mécanismes d’indexation fonctionnaient tant que l’on restait dans un contexte d’inflation modérée. La situation actuelle va générer un choc de pouvoir d’achat négatif, qui va surtout toucher les ménages les plus modestes », souligne Mathieu Plane, économiste à l’OFCE.
Yannick L’Horty, économiste à l’université Gustave-Eiffel, souligne également que ce décrochage par rapport à l’inflation « pourrait avoir des effets sur le recours aux prestations et décourager certains bénéficiaires potentiels ».
Le problème est accentué par une réforme votée sous François Hollande. Jusqu’en 2016, les prestations sociales étaient indexées sur une prévision d’inflation, avec à la clé des corrections l’année suivante, s’il s’avérait que la réalité s’était éloignée des prévisions.
Une méthode jugée alors peu lisible, qui générait des frictions quand il fallait récupérer des trop-perçus. Si bien que depuis six ans , la revalorisation des prestations se fait désormais en fonction de l’inflation constatée sur douze mois, hors tabac, en moyenne et avec un recul de deux mois. Une règle qui pose problème quand la hausse des prix connaît des fortes accélérations.
Coup de pouce
Faut-il alors réagir à ce nouveau contexte inflationniste ? Pour Yannick L’Horty, « la situation actuelle plaide pour qu’il y ait une revalorisation anticipée durant l’été, après les échéances électorales, au moins pour toutes les prestations de solidarité ». « Il faudrait réfléchir à un mécanisme proche de celui mis en place pour le SMIC, qui prévoit des revalorisations anticipées en cas d’accélération de la hausse des prix », renchérit Mathieu Plane.
En pleine période de réserve électorale , l’exécutif reste prudent face à ce débat. « Nous avons déjà fait beaucoup pour amortir le choc inflationniste avec toutes les mesures prises contre la hausse des prix de l’énergie, qui représente 60 % de l’inflation. Pour la suite, il faudra voir ce que le prochain gouvernement voudra faire », souligne une source ministérielle.