Les témoignages essaiment dans les médias et sur les réseaux sociaux. En cette fin de mois, alors que le conflit en Ukraine s’enlise , de nombreux citoyens d’origine russe résidant en France se plaignent de voir leurs opérations bancaires retardées, ou de recevoir leurs salaires avec plusieurs jours de retard sur leurs comptes en banque.
C’est le cas de cette salariée d’une entreprise française, qui habite en France depuis huit ans, et qui a dû « batailler avec sa banque pour que son salaire, normalement versé le 25 du mois, puisse enfin arriver sur son compte, cinq jours plus tard », selon un témoignage recueilli par l’AFP.
Sur Twitter, des internautes racontent également les difficultés rencontrées par leurs conjoints ou amis, de nationalité russe, pour accéder normalement à leurs comptes. Société Générale, BNP Paribas et Crédit Mutuel sont le plus souvent pointés du doigt dans ces commentaires.
Pétition en ligne
Une pétition a même été lancée en ligne pour sensibiliser les pouvoirs publics au problème et « mettre fin à cette discrimination flagrante fondée sur l’origine nationale ». Ecrite en français et en russe, elle a recueilli en trois jours plus de 2.000 signatures.
Interrogées, les banques mises en cause nient toute discrimination – une accusation également portée par la patronne de la chaîne de télévision RT France, dont la diffusion a été interdite depuis le début du conflit.
« Nous continuons d’accompagner comme il se doit les ressortissants Russes en France, pour l’ouverture d’un compte comme dans la gestion des besoins de banque au quotidien », assure une porte-parole de BNP Paribas.
La peur des sanctions
Mais la situation des clients d’origine russe peut en effet être plus complexe dans le contexte actuel de guerre et des sanctions adoptées envers la Russie . « Les banques européennes sont tenues à une obligation de très grande vigilance concernant les opérations susceptibles d’être concernées par les sanctions adoptées par l’Union européenne », rappelle ainsi le Crédit Mutuel.
La banque reconnaît que « les vérifications induites par les décisions des autorités publiques européennes peuvent entraîner des retards dans le traitement des opérations », même si elle dit faire « le maximum pour en limiter les effets sur [ses] clients » dès lors qu’elle s’est « assurée qu’ils ne sont pas concernés par ces contraintes réglementaires ».
Depuis la mise en place des premières sanctions, des filtres ont en effet été mis en place dans les banques pour vérifier la conformité de certaines transactions. « La situation internationale a conduit au durcissement de la réglementation que toute notre profession est tenue d’appliquer », commente Société Générale.
Vérifications manuelles
« Nous procédons à des vérifications manuelles. Dès qu’il y a un doute, nos conseillers appellent les clients concernés pour vérifier la nature des opérations, l’origine des fonds, etc. », témoigne une source dans une banque. Pendant ce temps, les transactions sont effectivement mises en pause.
« Tous les clients d’origine russe ne sont pas concernés. Seuls ceux dont les informations ne sont pas à jour », prévient une autre source.
Hors de question pour les banques de prendre le risque d’écoper d’une amende après avoir laissé passer une opération suspicieuse. Le souvenir des amendes à plusieurs milliards d’euros infligées à BNP Paribas et Société Générale pour non respect d’embargos imposés par les Etats-Unis reste gravé dans les mémoires.
Les précautions prises par les banques françaises avec leurs clients d’origine russe rappellent aussi les difficultés qu’elles peuvent rencontrer avec les « Américains accidentels », ces Français nés aux Etats-Unis , qui ont la double nationalité. Obligés de collecter de très nombreux documents afin de satisfaire aux exigences de l’administration fiscale américaine et éviter de lourdes sanctions, certains établissements préfèrent parfois jeter l’éponge et refuser d’accueillir ce type de clients.