En pleine campagne, la hausse de l’inflation inspire les deux finalistes à l’élection présidentielle, qui avancent de nombreuses mesures visant à protéger le pouvoir d’achat des ménages… avec plus ou moins d’efficacité. Dans une étude, publiée mercredi, le cabinet Asterès revient sur les conséquences de la proposition de Marine Le Pen de réduire à néant la TVA sur un panier de produits de première nécessité.
Le constat est sans appel : «peu de gains de pouvoir d’achat» sont à attendre de cette mesure, qui «ne semble pas être la solution idéale». Au-delà de la faisabilité juridique de cette piste, le cabinet note que supprimer la TVA sur le pain, les produits à base de céréales, le lait, le fromage, les œufs, les huiles, les graisses, les fruits et les légumes n’entraînerait théoriquement qu’un gain de «133 euros» pour les ménages français, «soit une progression du pouvoir d’achat de 0,3%». Cependant, une partie de cette baisse serait captée par les acteurs des chaînes, précise l’étude : in fine, seule 10% de la baisse bénéficierait donc directement aux ménages, représentant donc un gain de pouvoir d’achat pour les ménages de 13 euros par an, «soit 0,03% par ménage».
Dans le détail, le gain s’établirait à 9 euros par an pour les 10% de ménages les plus pauvres, et grimperait jusqu’à 19 euros pour les 10% les plus riches, précise Asterès. Soit un gain «deux fois plus élevé pour les ménages aisés», en valeur, et trois fois plus élevé – 0,07% contre 0,02% – en pourcentage pour les ménages pauvres. Le rapport entre le coût de la mesure et ses conséquences semble être défavorable : une suppression de TVA représenterait une perte de ressources d’environ «3,8 milliards d’euros» pour l’État, une somme non négligeable qui pourrait être utilisée autrement, plaide le cabinet. «Si cette somme était directement versée aux 10 % des ménages les plus modestes, il en résulterait pour ces ménages un gain de pouvoir d’achat de plus de 10 %», calcule-t-il.
Le précédent décevant de la restauration
Pour Marine Le Pen, supprimer la TVA sur un panier de produits de première nécessité – aux contours encore imprécis – permettrait d’aider les ménages les plus modestes, confrontés à l’inflation. Ses équipes estiment le coût de cette proposition entre 3,5 et 4 milliards d’euros. Mais l’exécutif rejette cette piste, qualifiée d’injuste et d’inefficace, «en plus d’être très coûteuse». Peu ciblée, elle bénéficierait à tous, y compris à ceux qui n’en ont pas besoin, et n’aurait que peu d’effet sur les plus fragiles, a assuré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, ce jeudi, défendant à la place des aides précises.
➡Sur @MLP_officiel qui veut une TVA à 0% sur certains produits de première nécessité
— LCI (@LCI) April 14, 2022
🗣️ @GabrielAttal : "C'est une mesure qui serait injuste et inefficace en plus d'être très coûteuse"
📺Explications #LesMatinsLCI I @EliMartichoux pic.twitter.com/ZrsinVeIMF
Par le passé, les baisses de TVA n’ont eu qu’un effet limité sur le pouvoir d’achat des consommateurs. L’exemple le plus probant vient de la restauration : le passage de la taxe de 19,6% à 5,5%, en juillet 2009, n’a pas été ressenti sur les factures. «Trente mois après la baisse de la TVA, les prix ont seulement diminué de 1,9 % […]. La réforme a surtout bénéficié aux propriétaires des restaurants, qui ont empoché environ 56% de la baisse de la taxe», notaient deux économistes de l’IPP dans une étude, en 2018.
Un rapport de 2015 du conseil des prélèvements obligatoires soulignait aussi que les gains étaient bien plus massifs pour les ménages aisés, logiquement plus prompts à aller au restaurant : «sur l’ensemble des biens et des services imposés à taux réduits, l’avantage total s’élève en moyenne à 720 € pour un ménage du premier décile contre 2015 € pour un ménage du dixième décile», lit-on dans le document. Des éléments qui mènent à penser que la TVA n’est pas un instrument de redistribution adapté, selon les auteurs.