Plainte au pénal contre les essais cliniques de Didier Raoult

L'Agence du médicament a publié son rapport d'enquête suite à une inspection menée en novembre à l'Institut hospitalo-universitaire de Marseille. L'agence pointe une sous-déclaration dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine, notamment des enfants.


Professor Didier Raoult, director of the Mediterranean institute of infection poses for a portrait in his office at La Timone hospital in Marseille, Southern France. Thursday Feb. 27, 2020. One by one, more and more countries are reporting cases of the new coronavirus. Governments and doctors on the front lines are scrambling for solutions and everyday life around the globe is being disrupted in a manner that's not been seen in recent times. (AP Photo/Daniel Cole)/DCO198/20058611394471//2002271805

C’est le premier tir d’une probable salve administrative dirigée contre les méthodes de Didier Raoult. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé ce mercredi qu’elle saisissait le procureur de la République pour de « graves manquements », « pénalement répréhensibles ». Ces errements ont été observés lors d’une inspection menée en novembre au sein de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHU), dirigé par le célèbre et controversé professeur de microbiologie.

Cette fois, l’offensive ne vise pas nommément le prophète de l’hydroxychloroquine, qui a tant déchaîné les passions, mais la gestion cavalière des essais cliniques au sein de cet institut financé par la puissance publique, en partenariat avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Lorsque l’on mène des recherches avec des cobayes humains (recherche impliquant la personne humaine, ou RIPH), il faut suivre des procédures très strictes. Or cela n’a pas été le cas.

Sans autorisation parentale

Certains essais ont été lancés sans avoir obtenu le feu vert préalable du comité de protection des personnes, ce qui relève du pénal. Ainsi, de 2009 à 2013, près de 3.800 enfants de moins de cinq ans ont subi des prélèvements par écouvillonnage salivaire ou rectal afin de détecter des agents pathogènes. La plupart d’entre eux n’étaient pas pris en charge pour une affection digestive, et faisaient donc partie d’un groupe contrôle dans le cadre d’un essai clinique.

Pourtant, cet essai n’a pas été considéré par ses initiateurs comme une « recherche biomédicale » et n’a donc pas été soumis à l’avis du comité de protection des personnes ni à l’autorisation de l’ANSM. L’autorisation des parents a tout de même été demandée, quoique 31 formulaires ne comportent pas leur signature.

Un avis falsifié

De même, une recherche a été initiée en 2017 sur les pathogènes et bactéries multirésistantes contractées par les étudiants en médecine effectuant un stage en médecine à l’étranger. L’IHU n’a pas demandé d’avis au comité de protection des personnes, alors que les prélèvements (nez, gorge, peau, rectum, vagin) ont été réalisés au laboratoire de microbiologie de l’IHU, avant et après les voyages.

L’IHU a également falsifié l’avis de son comité d’éthique interne relatif à cet essai, gommant la mention « sous réserve d’une demande d’avis à un comité de protection des personnes », ce dont la justice sera également saisie. Parallèlement à la procédure pénale, l’ANSM demande la suspension d’une recherche lancée sans feu vert et qui court toujours.

« De graves complications médicales »

Les inspecteurs ont également enquêté sur le traitement des patients tuberculeux, suite aux révélations de « Mediapart » en octobre, qui avait montré du doigt une « expérimentation sauvage » initiée par Didier Raoult et s’étant soldée par « de graves complications médicales ».

« Si nous n’avons pas, à ce stade de nos investigations, identifié d’éléments prouvant la mise en oeuvre d’un essai clinique non autorisé sur le traitement de la tuberculose multi-résistante de patients traités au cours de l’année 2019, nous avons néanmoins mis en évidence l’utilisation de combinaisons d’antibiotiques différentes des recommandations internationales et potentiellement dangereuses pour les patients », note l’ANSM. Elle pointe de fréquents événements indésirables graves, dans 9 dossiers sur 21, « remettant en question le ratio bénéfice/risque de ces traitements ».

Une mise en cause de plus

L’enquête a donc été étendue à la période 2016-2021. Elle se poursuit en lien avec les inspections des affaires sociales et de la recherche. L’AP-HM est également visée par l’enquête, mais l’ANSM estime qu’elle n’a pas été informée de certaines recherches. Quant au personnel de l’Assistance publique exerçant à l’IHU, il a fait preuve d’un « défaut de connaissance ou de considération des obligations réglementaires » et c’est à l’AP-HM d’y mettre bon ordre.

Pour Didier Raoult, c’est une mise en cause de plus. Il est également critiqué pour avoir défendu contre vents et marées un traitement du Covid qui n’a pas prouvé son efficacité, à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Il fait l’objet de poursuites ordinales pour « charlatanisme ». Néanmoins, il avait bénéficié du soutien d’Emmanuel Macron en 2020 et il a été invité à s’exprimer devant le Parlement à plusieurs reprises. Désormais à la retraite en tant que professeur d’université-praticien hospitalier, il doit quitter la direction de l’IHU cet été .


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