La Cour des comptes tape du poing sur la table. Alors que l’Etat s’évertue par différents moyens à lutter contre la fraude aux prestations sociales , l’institution publique s’agace de voir que certaines de ses recommandations, notamment pour limiter la fraude à l’identité bancaire, n’ont pas encore été suivies d’effets.
Dans un référé adressé il y a trois mois à Bercy et au ministère de la Santé, et rendu public lundi, le premier président de la Cour, Pierre Moscovici, invite la direction générale des finances publiques (DGFiP) à « faire enfin aboutir en 2022 » un projet technique « en cours depuis dix ans », afin de mieux « prévenir le détournement des versements des organismes de protection sociale aux assurés, allocataires, professionnels de santé ou autres tiers comme les bailleurs ».
La recommandation en question avait déjà été formulée en septembre 2020 , lors d’une communication à la commission des affaires sociales du Sénat. Mais depuis, rien n’a réellement avancé, au grand dam des sages de la rue Cambon.
Des détournements qui augmentent
Le sujet est pourtant stratégique. Selon la Cour des comptes, qui cite des statistiques de la Banque de France, la fraude par usurpation d’identité ou falsification de relevé d’identité bancaire (RIB) a « progressé avec le développement des activités des banques en ligne ou des néobanques ». Entre 2020 et 2016, les détournements de virements, de quelque nature qu’ils soient, ont été multipliés par dix, pour atteindre 157 millions d’euros.
Les organismes de protection sociale sont également soumis à des risques croissants et importants, comparés à l’ensemble des secteurs économiques : les montants détectés des détournements de virements dans la sphère sociale, de l’ordre de 4 millions d’euros en 2020, représentent 2,5 % du total, tous secteurs confondus, mesuré par la Banque de France, indique la Cour.
Le projet en cours, dont les travaux ont débuté il y a sept ans, doit permettre aux organismes de protection sociale de rapprocher, de manière systématique et par des procédures automatisées, les coordonnées bancaires qu’ils utilisent avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba).
Celui-ci, géré par l’administration fiscale, recense les coordonnées bancaires des résidents français déclarées par leurs banques. De quoi s’assurer que les prestations sociales sont distribuées aux bonnes personnes.
Reports successifs
« Dix reports successifs de la date de mise en service des échanges sont intervenus entre 2018 et 2021 », regrette la Cour dans son référé, qui demande à ce que les difficultés techniques soient résolues « dans les meilleurs délais ».
A ce jour, seule la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) a effectué le rapprochement de son fichier avec celui des banques. Les autres organismes comme les caisses d’allocations familiales, la Sécu, les caisses de retraite ou encore Pole Emploi ne peuvent toujours pas le faire de façon systématique.