Pour l’instant, ça tient, confirme le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en témoigne l’indice du climat des affaires de mai. Les pénuries de main-d’oeuvre restent élevées. Après onze mois de baisse, le nombre de chômeurs sans activité inscrits à Pôle emploi a très légèrement rebondi le mois dernier , mais pas au point qu’on puisse encore y déceler un retournement.
Et la productivité dans tout ça ?
En attendant, certains économistes, comme Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’OFCE, continuent de souligner le hiatus entre le niveau d’activité, qui n’a dépassé que de 0,9 % son score de fin 2019, et l’emploi, qui a progressé de 2 %. Soutenus par les milliards du « quoi qu’il en coûte », environ 500.000 postes seraient maintenus au détriment de la productivité du « made in France ».
Cette baisse de la productivité s’expliquerait par le reliquat de chômage partiel, l’envolée du télétravail, mais aussi par le poids grandissant des services. Il existe également une autre explication, pas forcément antinomique mais moins mise en avant : un effet de rattrapage consécutif à toutes les politiques pro-entreprises mises en oeuvre depuis le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) du début du quinquennat de François Hollande.
En clair et à gros traits : là où avant, une entreprise faisait, ou ne pouvait faire, travailler (que) 7 salariés pour produire 100 alors qu’elle en aurait eu besoin de 3 de plus, elle peut désormais en faire travailler 10 sans plus forcer sur les cadences, baisse du coût du travail aidant.
Cette thèse, Elisabeth Borne l’a évidemment défendue en passant les clés du ministère du Travail à Olivier Dussopt. Si le plein-emploi est à portée de main, si le taux de chômage est au plus bas en quinze ans (quarante ans pour celui des jeunes), c’est « le fruit de réformes nécessaires et trop longtemps différées », a déclaré la Première ministre, pointant celle de l’assurance-chômage, mais aussi les mesures du « quoi qu’il en coûte », activité partielle en tête.
Président du Cercle des économistes, Jean-Hervé Lorenzi en est convaincu. Baisses de charges, ordonnances travail, barème des prud’hommes ou encore réforme de l’apprentissage : « L’environnement réglementaire et social a profondément changé, c’est une réalité », pointe-t-il. La libération des embauches qui en résulte a modifié le rapport entre point de croissance du PIB et point de croissance de l’emploi, même si cela favorise aussi les embauches non qualifiées.
TPE : le travail mieux réparti
« Il reste beaucoup de sujets à traiter, comme celui du logement, mais il ne faut pas se tromper de diagnostic : la trajectoire de l’économie française n’est pas la même que celle d’il y a vingt ans », souligne Jean-Hervé Lorenzi. De ce point de vue, la prochaine étape de baisse des impôts de production sera scrutée à la loupe : le surcroît de marge est censé favoriser l’investissement, voire les relocalisations, et l’emploi qui va avec.
Dans les rangs de l’U2P, l’organisation patronale des artisans, commerçants et professions libérales, on confirme que les politiques dites de l’offre engagées ces dernières années ont favorisé les embauches. Avant, témoigne l’un de ses responsables, « le chef d’entreprise d’une TPE et sa femme bossaient deux fois plus. Aujourd’hui, ils peuvent embaucher et la même activité se fait avec une meilleure répartition du travail ».