Un ministre au volant d’un bolide tout droit sorti d’un film de gangsters. Cette scène cocasse, qui s’est déroulée en novembre à Bercy, a offert une belle publicité à l’Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), chargée de frapper au portefeuille les trafiquants de drogue, proxénètes, fraudeurs fiscaux et autres criminels. Pour fêter ses dix ans, l’Agrasc organisait une vente aux enchères exceptionnelle de biens saisis lors des enquêtes judiciaires.
L’Agence, qui dépend des ministères de la Justice et du Budget, a connu une année 2021 record. Selon le rapport d’activité, qui vient d’être publié, les recouvrements nets se sont élevés à 468 millions d’euros, ce qui correspond à un total de 484 millions d’euros d’avoirs saisis l’an dernier, en hausse de 200 millions sur un an. Mieux, les confiscations – autrement dit les saisies confirmées par un jugement – se sont établies à 150 millions d’euros, presque le double du montant de 2020.
Vente de cryptomonnaies
« L’importance des encaissements tient pour l’essentiel au grand nombre d’affaires économiques et financières ayant entraîné des saisies de comptes bancaires pour des montants exceptionnels », précise le rapport. Il cite deux affaires du Parquet national financier, qui ont totalisé 45 millions d’euros, une au tribunal judiciaire de Toulon de 13 millions ou une escroquerie aux tests antigéniques instruite au tribunal judiciaire de Paris pour 10,5 millions. Plus inédit encore, un dossier de cybercriminalité a débouché sur la première vente aux enchères de cryptomonnaies (avant jugement) pour 23 millions d’euros.
Les saisies d’actifs numériques ont d’ailleurs triplé entre 2020 et 2021, avec environ 60 opérations. Les sommes cumulées depuis 2013 et gérées par l’agence se montent à 48,5 millions d’euros, pour une trentaine d’actifs numériques différents.
« L’année 2021 a été l’occasion de constater l’inventivité des praticiens qui ont saisi des créances entre les mains de sociétés, des pensions de retraite, du produit de ventes immobilières, notamment entre les mains des notaires, de tickets-restaurants, loto, de cautionnement et pour la première fois une saisie de créance salariale », vante le rapport.
Hausse des demandes de restitutions
Elément important, le ratio entre les sommes restituées et celles saisies est resté assez stable : 17 % des montants saisis ont été rendus aux mis en cause l’an dernier, soit 83 millions d’euros.
En tout, 2.151 demandes en restitution dans le cadre de procédures pénales ont été enregistrées, soit une hausse de 22,5 %. Pour l’Agrasc, cette hausse est le signe non pas d’un dysfonctionnement mais d’un système arrivé à maturité. « Au stade de l’enquête ou de l’instruction, on saisit de manière large, pour éviter la dissipation du patrimoine criminel et donner toute latitude à la juridiction de jugement de prononcer des peines de confiscation assises sur une assiette tangible ».
Millions détournés
Les 150 millions confisqués l’an dernier ont abondé à hauteur de 75 millions d’euros le budget général de l’Etat, 49 millions le fonds de lutte contre les drogues, 850.000 euros le fonds de la lutte contre la prostitution et 23 millions ont servi à indemniser des parties civiles.
Cette dernière enveloppe est en constante augmentation. En 2021, 9,4 millions ont notamment été versés à l’Ouzbékistan, afin de rendre les millions détournés par la fille de l’ex-président Karimov.