Ici et maintenant. Alors que le gouvernement donne le sentiment de vouloir gagner du temps d’ici aux législatives , les urgentistes exigent des réponses immédiates à la crise qui s’étend chaque jour un peu plus dans leurs services hospitaliers, frappés par la pénurie de personnel. Neuf syndicats et des collectifs hospitaliers ont organisé une journée d’action ce mardi, avec des rassemblements devant le ministère de la Santé et dans une cinquantaine de villes.
Ils réclament des renforts et des revalorisations pour attirer et fidéliser les soignants. Ces deux dernières années, le « Ségur de la Santé » a permis, selon eux, aux personnels hospitaliers de regagner le pouvoir d’achat perdu en dix ans, mais pas d’accroître de façon ciblée les rémunérations. Or il faudrait pouvoir rendre plus attractives les permanences de nuit ou de week-end, entre autres.
« Une situation précaire et dégradée »
« Les équipes médicales et paramédicales sont sous dimensionnées et basculent dans une situation précaire et dégradée, face à une activité qui ne cesse d’augmenter : plus de 50 millions de patients pris en charge par les Samu et les accueils d’urgence chaque année », dénonce le syndicat de médecins anesthésistes-réanimateurs SNPHARE.
Plus de 120 services d’urgence sur 600 ont fermé partiellement ou totalement, alors que les vacances scolaires n’ont pas encore commencé. Habituellement, c’est pendant l’été que la pénurie de personnel provoque des fermetures. Mais cette année, contrecoup de l’épidémie Covid , les soignants sont peut-être plus las et démotivés.
De plus, la baisse des effectifs des professionnels de santé s’accentue chaque année et cela ne devrait pas s’arranger durant la décennie à venir. « La situation est grave et dangereuse, le temps est à l’action immédiate et globale », scande le SNPHARE dans son communiqué intitulé « Alerte rouge ».
Mission flash
Le péril de la situation n’a pas échappé à Emmanuel Macron, qui s’est rendu la semaine dernière à l’hôpital de Cherbourg, l’un de ses premiers déplacements de président réélu. Il y a annoncé le lancement d’une « mission flash », pour « regarder service d’urgence par service d’urgence et Samu par Samu, territoire par territoire, où il y a des besoins », a-t-il expliqué à la presse régionale vendredi. Le médecin urgentiste François Braun doit remettre ses conclusions d’ici la fin juin, en vue de « décisions d’urgence dès juillet ».
Ce syndicaliste, président de Samu Urgences de France (SUdF), et par ailleurs référent santé du candidat Macron durant la campagne présidentielle, a été auditionné mardi par la commission des Affaires sociales du Sénat. Il avait déjà expliqué qu’il faudrait une large palette de réponses face à la crise des urgences, dans un courrier à la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon , à la fin mai. Devant les sénateurs, il a confirmé avoir recensé «plus de 150 pistes» pour résoudre les problèmes.
Audition au Sénat
Trois missions ont déjà planché sur le sujet sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, après deux rapports sous François Hollande et trois sous Nicolas Sarkozy. Rien ne sert d’attendre, argumentent les grévistes, soutenus par les oppositions de gauche comme de droite. « Cette mission flash, c’est un peu une insulte pour nous », a critiqué Pierre Schwob-Tellier, du collectif Inter-Urgences, lors d’une conférence de presse, jeudi.
François Braun a reconnu que «le diagnostic est fait» depuis le pacte de refondation des urgences d’Agnès Buzyn en 2019, que «le traitement dans sa globalité est connu», et que «toutes les solutions sont sur la table». Mais il dit être là pour «rédiger l’ordonnance», «s’assurer que les médicaments sont bien donnés», et «que le malade, ou le service, puisse prendre le traitement».
Par exemple, on ne peut pas en l’état augmenter le personnel en charge de la régulation, du fait d’obligations de certification d’ici à décembre 2023 qui créent un goulet d’étranglement. Il faudrait reporter la date-butoir, a-t-il expliqué. Il a également cité le cas des infirmiers diplômés en juillet mais qui ne peuvent être embauchés en août, car en raison de «blocages administratifs», les diplômes ne sont pas délivrés avant septembre.
«Damage contrôle»
François Braun reconnaît que «le 1er juillet ce sera trop tard, c’est sûr», mais affirme transmettre immédiatement toutes les mesures consensuelles au ministère de la Santé afin qu’il examine leur faisabilité à cette date. Cette mission, c’est «du damage control» [limitation des dégâts], a-t-il admis, «on ne fera pas revenir les soignants qui sont partis dans les 2-3 mois qui viennent», mais il faut «surtout qu’on évite qu’ils continuent à quitter l’hôpital».
Un rapport d’enquête du Sénat sur l’hôpital, remis en mars, préconisait de mieux coordonner la permanence des soins en ville, de revaloriser les gardes de nuits ou de week-end, et de rouvrir des lits dans tous les services hospitaliers , grâce à des plans d’urgence de recrutements d’infirmiers sur des contrats longs et une fidélisation des soignants en poste.