« Ce n’est pas vrai que le coeur des économies, à l’échelle de cinq ou dix ans, sera dans la réduction du nombre de fonctionnaires », expliquait fin décembre Emmanuel Macron. Une prise de position symbolique de l’évolution du chef de l’Etat en cinq ans, élu sur un programme de réduction des effectifs d’agents publics avant un revirement entamé en 2019 qui l’a poussé à promettre la stabilité durant son premier quinquennat.
Et pourtant, malgré ce nouveau credo, l’Etat a réduit ses effectifs l’an dernier. C’est ce qui ressort du rapport publié lundi par la Cour des comptes sur l’exécution du budget 2021. Les magistrats financiers ont recensé une « légère baisse » des effectifs de la puissance étatique de 3.750 postes (en équivalent temps pleins), pour un nombre total d’emplois de 1,91 million. Cela reste donc modeste, mais cela intervient après une année de hausse en 2020 et la promesse d’une stabilité des effectifs en 2021 qui devait répondre aux besoins de renforcement des services publics exprimés durant les crises (« gilets jaunes », Covid) de ces dernières années.
Problèmes de recrutement à l’Education nationale
En réalité, l’Etat semble avoir réduit ses effectifs à l’insu de son plein gré. La faute notamment au ministère des Armées (qui a perdu 485 postes alors que 300 devaient être créés) et surtout à celui de l’Education nationale qui a vu ses effectifs allégés d’environ 4.000 emplois alors qu’une stabilité était prévue.
Comment expliquer ce phénomène pour l’Education nationale ? Il s’agit là d’une nouvelle illustration des difficultés du ministère à recruter , avec la baisse du nombre de postulants au concours. La Cour des comptes met aussi en avant « l’augmentation des cessations de fonction d’enseignants (notamment depuis l’instauration d’une possibilité de rupture conventionnelle dans la loi de 2019) », ce qui va aussi dans le sens d’un problème d’attractivité de ces métiers . Enfin les magistrats financiers soulignent « des départs à la retraite plus nombreux que prévu ».
Si les effectifs ont donc été légèrement réduits, cela n’a pas empêché malgré tout la masse salariale de continuer un mouvement de hausse entamé depuis 2015. Ainsi l’Etat a consacré l’an dernier 32 % de toutes ses dépenses à son personnel, pour un total de 134,7 milliards d’euros. Sur cette somme, environ 91 milliards s’expliquent par les dépenses de rémunérations (le reste est consacré aux pensions) qui ont donc connu une hausse de 1,9 %, en accélération par rapport au +1,1 % de 2020. Il s’agit d’un niveau de hausse « supérieur à la moyenne des dix années précédentes (autour de +1,1 %) », relève la Cour.
Les ministères mieux lotis
Si l’Etat a consacré plus de moyens (1,67 milliard en plus par rapport à 2020) à rémunérer ses agents, c’est d’abord du fait de mesures catégorielles prises l’an dernier (pour 727 millions). Cela concernait notamment les ministères des Armées et de l’Education nationale. Il faut aussi ajouter les effets des progressions individuelles des agents hors mesures générales ou catégorielles, liées à l’avancement.
Au final, la Cour souligne qu’après « trois années de quasi-stabilité entre 2012 et 2014 », la masse salariale (hors pensions) de l’Etat a « significativement progressé entre 2015 et 2021 d’environ 10,1 milliards d’euros à champ constant, dont plus du quart pour la seule année 2017 » avant un ralentissement après 2018. Cette année 2017 avait été marquée par le début de mesures catégorielles (le protocole dit « PPCR ») et la seule augmentation du point d’indice concédée entre 2010 et 2021. L’exercice 2022 devrait donc constituer une marche d’escalier bien plus importante, avec l’annonce de la revalorisation du point d’indice de 3,5 % (pour environ 7,5 milliards).
Depuis dix ans, les magistrats financiers soulignent que cette hausse globale de la masse salariale recouvre « des disparités entre ministères ». Ainsi, sur la période 2012-2021, les mieux lotis ont été l’Education nationale (+7,8 milliards d’euros), l’Intérieur (+2,2 milliards) et la Justice (+1 milliard), tous trois appelés à être encore renforcés dans les années à venir.