Les syndicats veulent du salaire, pas des aides ponctuelles

Cela faisait plus de dix ans que ce n'était pas arrivé. Tous les syndicats se sont accordés sur une déclaration commune, qui tire à boulets rouges contre le projet de loi sur le pouvoir d'achat et cible les employeurs.


Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron avait démarré sur une réforme majeure du Code du travail face à laquelle les syndicats étaient apparus divisés. Changement de ton pour le second. Il y a d’abord eu, dès la campagne présidentielle, un rejet unanime du projet du chef de l’Etat de relever à 65 ans l’âge légal de la retraite, martelé aux congrès tant de Force ouvrière que de la CFDT. Mais sans pour autant que cela donne lieu à une initiative commune. Celle-ci a pris corps mardi soir sur le pouvoir d’achat avec toutes les organisations syndicales – CFDT, CGT, Force ouvrière, CFTC, CFE-CGC, Unsa, FSU et Solidaires- et les organisations d’étudiants et de lycéens – Fage, Unef, FIDL, MNL et Voix lycéenne.

Montée des tensions salariales

Une telle unité n’avait pas eu lieu depuis bien longtemps. Même à la fin 2018, à la suite du mouvement des « Gilets jaunes » , la déclaration intersyndicale demandant « de réelles négociations » n’avait pas fait tout à fait le plein puisqu’il manquait Solidaires. Le dernier grand chelem date de la réforme des retraites de 2010 , après une année 2009 marquée par plusieurs mobilisations unitaires sur l’emploi et le pouvoir d’achat. Et celui avec aussi les organisations de jeunesse date de 2006, lors du conflit contre le Contrat première embauche .

Par leur texte, les 13 organisations prennent date sur un thème doublement d’actualité. D’abord parce que le parlement démarre l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat . Ensuite parce que ce sujet, prégnant chez les Français en général et les salariés en particulier, provoque déjà une montée des tensions dans les entreprises, alors même que le SMIC en sera déjà, au 1er août prochain , à la troisième revalorisation de l’année du fait de la reprise de l’inflation. « A l’heure où les conflits sociaux se multiplient pour obtenir des revalorisations salariales légitimes au moins à la hauteur du taux d’inflation, la question du pouvoir d’achat est centrale pour les travailleurs et travailleuses », affirme le texte d’entrée de jeu.

Son écriture a donné lieu à d’intenses échanges, lors d’une rencontre au siège de Force ouvrière, mais pas que. Un des négociateurs a compté une soixantaine de mails. « La situation est très différente d’il y a cinq ans », note un leader syndical qui souligne qu’alors, « on était face à un président jupitérien qui n’avait pas de bilan et qui avait la majorité absolue à l’Assemblée ».

Alors que plusieurs tentatives d’initiatives communes ont échoué lors du précédent quinquennat, personne n’a joué cette fois-ci les diviseurs. Même l’appel lancé le 7 juillet par la CGT avec seulement Solidaires à une grève sur les salaires le 29 septembre n’a pas braqué les autres organisations. « Philippe Martinez a besoin de ne pas se faire doubler par Jean-Luc Mélenchon », explique, compréhensif, l’un de leurs représentants rappelant que le 5 juillet, le leader insoumis a appelé à « une grande marche contre la vie chère ».

La déclaration de mardi est importante car elle met en exergue des points d’accord significatifs qui sont autant de messages à destination de l’exécutif bien sûr mais aussi du patronat dont la responsabilité est pointée. Les syndicats tirent à boulets rouges contre le projet de loi sur le pouvoir d’achat : « une succession de mesures ponctuelles et majoritairement financées par l’Etat [qui] ne peut constituer un ensemble suffisant pour répondre à l’urgence ».

Prendre date

« Le salaire doit demeurer la base d’un partage des richesses rééquilibré en faveur des salariés », insistent-ils. Affirmant que « la prise en charge de mesures de pouvoir d’achat est aussi de la responsabilité des employeurs privés comme publics », ils estiment que « le futur débat parlementaire doit permettre d’avancer notamment sur cette conditionnalité des aides aux entreprises qui ne jouent pas le jeu en matière salariale ».

Les organisations syndicales le savent : le premier temps du quinquennat est un « temps politique ». Si la déclaration vise à peser dans ce moment particulier, c’est aussi une façon pour elles de prendre date pour la rentrée. Rendez-vous a d’ailleurs été pris entre elles le 5 septembre.


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