Dans son rapport 2021, le médiateur de l’énergie signale une hausse de 13% des conflits par rapport à 2020, avec 30626 cas. Une hausse de… 150% si l’on compare à 2016. Les cas devraient même exploser en 2022 avec la poursuite de la guerre en Ukraine. Comment réagir et se protéger si vos factures sont multipliées par 3? On fait le point avec François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV).
Constatez-vous vous aussi une hausse des litiges?
Le rapport du médiateur de l’énergie ne rend pas compte de la situation actuelle, car la nette augmentation des saisies est intervenue à partir de novembre 2021, début de la crise du secteur de l’énergie. Depuis janvier, nous assistons à une hausse démentielle des cas, nous sommes inondés de dossiers. Nous avons actuellement cinq actions en justice contre des opérateurs, dont une action de groupe. Alors mon premier conseil, c’est vraiment d’éviter d’avoir des litiges, car la situation est très compliquée, et d’avoir des actions préventives.
Quelles actions recommandez vous pour éviter des litiges avec les fournisseurs d’énergie?
En période de grosse crise comme aujourd’hui, où certains acteurs gèrent de façon très brutale, il faut rester au tarif réglementé si on y est. Et si ce n’est pas le cas d’y revenir au plus vite. C’est possible pour l’électricité. Le grand avantage, c’est la sécurité contractuelle. C’est impossible de se voir appliquer une hausse de 30%. Le tarif est compétitif et on bénéficie du bouclier d’énergie. Pour le gaz, le mieux est de choisir de grands opérateurs et d’opter pour des tarifs indexés sur les tarifs réglementés de l’électricité.
Et si vraiment on aime l’aventure et que l’on ne veut pas être au tarif réglementé, mais sur une offre au tarif du marché, il vaut mieux, j’insiste, être chez les gros opérateurs qui se sont plutôt bien comportés jusque-là. Il faut imaginer que le marché de l’énergie est en pleine tempête, c’est donc mieux de la traverser sur un paquebot que sur une barque.
Existe-t-il d’autres pratiques à mettre en place?
Si vous recevez un courrier de votre opérateur, surtout ouvre-le et lisez-le intégralement, jusqu’au bout. Les litiges les plus nombreux concernent des gens à qui leur opérateur ont envoyé un mail, ou plusieurs, intitulés “votre offre d’énergie change”. Et comme aujourd’hui on reçoit des dizaines de mails de différents acteurs, on ne les ouvre pas forcément. On se dit qu’ils ont changé quelque chose de mineur, sauf qu’à la fin, il est indiqué que votre tarif qui augmente de 30%.
Le schéma classique des plaintes, c’est d’avoir reçu un mail en octobre/novembre pour prévenir d’un changement et une facture qui explose en décembre/janvier/février. Et dans l’énergie, ce n’est pas comme la téléphonie, la facture grimpe très très vite, on parle de centaines d’euros par mois.
Il existe une pratique plus extrême, et qui concerne des milliers de personnes: vous avez un prix indexé sur le tarif réglementé et il passe à une indexation sur le prix du marché de gros. Or, cela revient à indexer sa facture sur le cours du Bitcoin : il y a un an, le mégawatt/heure était à 60 euros, à 200 euros en octobre, 300 euros en novembre, 400 euros en décembre, 500 euros en janvier. Les factures n’ont plus rien à voir!
On estime dans ce cas qu’il faut le consentement explicite du client, c’est pourquoi nous avons lancé une action en justice contre un des opérateurs qui a cette pratique (Mint energie). Là aussi, il faut sortir de suite.
Quel recours si malgré tout nous sommes confrontés à un litige avec notre opérateur d’énergie?
Il faut bien sûr protester auprès de lui. Si nécessaire, vous pouvez demander un échelonnement des factures. Voire, il peut être possible de négocier le montant d’une facture de clôture de contrat. Vous pouvez aussi écrire au médiateur de l’énergie, ainsi qu’aux associations de consommateurs. On sait qu’il est compliqué d’avoir individuellement recours à un avocat pour récupérer quelques centaines d’euros. Nous pouvons aller en justice, à la différence du médiateur de l’énergie qui peut proposer un règlement à l’amiable.
Mais j’attire l’attention sur le fait que les règlements négociés sont aujourd’hui très compliqués à mettre en place. Les petits fournisseurs ne sont pas conciliants, ils envoient vite en recouvrement. C’est tout leur modèle économique qui est remis en cause. Ils sont pris à la gorge et font “la chasse au cash”. D’où mon conseil de rejoindre le tarif réglementé pour l’électricité et d’opter pour les grands groupes pour le gaz.