C’est la première photographie des institutions représentatives du personnel depuis la petite révolution enclenchée par la réforme du Code du travail de 2017 . L’étude que vient de publier la Dares, la Direction de la recherche du ministère du Travail, fait le point sur l’implantation des nouveaux comités sociaux et économiques (CSE) qui ont remplacé les comités d’entreprise (CE), absorbant au passage les anciens comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) transformés en commissions sans personnalité juridique .
Le constat qui en ressort est un peu inquiétant pour le dialogue social, qu’il s’agisse de l’évolution de la couverture des entreprises par un CSE dont les membres sont élus par les salariés ou de la couverture par des délégués syndicaux désignés par les organisations syndicales.
Tendance à l’affaiblissement
En 2020, 41,4 % des entreprises de plus de 10 salariés employant 78,4 % des salariés sur ce champ étaient couvertes par au moins une institution représentative du personnel, confirmant le mouvement de baisse enclenché l’année précédente. C’est 2,6 points de moins que deux ans plus tôt, en 2018, où ce taux avait atteint 44 %.
Certes, la baisse a ralenti sur les deux années. Mais c’est d’autant plus marquant que de 2012 à 2016, ce taux n’avait cessé de monter. L’épidémie de Covid-19 n’y est pas pour grand-chose : les renouvellements d’instances se sont concentrés sur 2018 et 2019, donc avant son déclenchement, sachant que seules 5,6 % des entreprises de 10 salariés et plus sont toujours sur l’ancien modèle.
Il faudra attendre les données sur 2021 pour voir si la tendance à l’affaiblissement de la représentation des salariés dans les entreprises se prolonge. Elle serait alors à mettre au passif de la réforme de 2017, censée, au contraire, dynamiser le dialogue social.
Entreprises hors la loi
Il est deux impacts d’ores et déjà avérés. Le premier concerne les instances dédiées à la santé, la sécurité et les conditions de travail. Les CHSCT étaient obligatoires à partir de 50 salariés. Les commissions sous tutelle du CSE, qui les ont remplacés, ne le sont plus qu’à partir de 300 salariés.
La chute du taux de couverture est importante en deçà : entre 50 salariés – seuil précédent pour les CHSCT – et 299 salariés, la proportion d’entreprises ayant une instance ciblée sur les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail est passé de 53,1 % des entreprises couvrant 85 % des salariés à 21 % des entreprises couvrant 68 % des salariés.
Le respect de l’obligation légale touchant les entreprises de 300 salariés et plus est meilleur en 2020 qu’en 2019, mais reste en deçà de la situation prévalant avant la réforme, à 79,4 % des entreprises contre 92,4 % trois ans avant. Cela veut dire qu’une entreprise sur cinq est hors la loi.
Le second impact de la réforme de 2017, déjà très net, concerne les représentants au plus près des salariés. Les ordonnances ont enterré les délégués du personnel, qui étaient obligatoires, au profit de la possibilité, facultative, de représentants de proximité. Seules 1,2 % des entreprises de plus de 10 salariés ont choisi de donner à leur personnel la possibilité d’en désigner.
Baisse de la présence syndicale
L’étude de la Dares pointe enfin un autre sujet qui devrait inquiéter les syndicats : la baisse de la présence syndicale que reflète celle du taux de couverture des entreprises par des délégués syndicaux.
De 2012 à 2018, ce taux s’était un peu redressé, passant de 11,3 % à 11,9 %. Mais il y a eu un retournement net en 2018, avec une chute de près de 2 points, à 10,1 %, qui s’est confirmé en 2019 où le taux de couverture a baissé à 9,3 %.
Ces évolutions interviennent alors que, paradoxalement, les enquêtes d’opinion montrent un regain de confiance des salariés dans leurs organisations représentatives.