Fatigue, mauvaise entente avec votre hiérarchie… quelles que soient vos raisons, quitter votre entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle individuelle se prépare. Pesez le pour et le contre même si autour de vous plusieurs personnes ont achevé leur carrière ainsi. Depuis l’instauration de ce mode de rupture des contrats de travail à durée indéterminé (CDI) en 2008, plus de 4,6 millions de ruptures conventionnelles ont été signées, en progression régulière pour atteindre plus de 450 000 en 2021. Les chiffres illustrent le développement de ce mode de séparation d’un commun accord entre employeur et salarié. Toutefois, il ne suffit pas de “toper là”! La rupture conventionnelle est très encadrée et ne se met pas en place du jour au lendemain: “Il faut compter à peu près un mois et demi”, prévient Anaë Perez-Ainciart, avocate à Paris, experte en droit du travail et en droit pénal.
Comment faire comprendre à mon employeur que je souhaite signer une rupture conventionnelle?
“Il faut avoir en tête que, pour l’employeur, la rupture conventionnelle a un coût, puisqu’il doit payer une indemnité spécifique de rupture, indique l’avocate. Aussi, s’il n’a pas de motif de se séparer de vous, il peut se dire que vous n’avez qu’à démissionner. Pour qu’il accepte, il faut donc qu’il ait intérêt à le faire». Ce sera le cas si vous avez des manquements à pointer, qui pourraient faire craindre un contentieux à votre employeur. “De son côté, ce dernier peut avoir intérêt à accepter une rupture conventionnelle lorsqu’il détient quelques éléments de reproches qui ne suffisent pas à justifier un licenciement,” précise Anaë Perez-Ainciart. En effet, l’initiative de la rupture conventionnelle peut revenir aussi bien au salarié qu’à l’employeur.
Si mon employeur accepte la rupture conventionnelle, est-il possible de négocier des indemnités?
Le code du travail prévoit que la rupture conventionnelle vous ouvre droit à une indemnité spécifique de rupture, qui doit être au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Elle est parfois supérieure lorsque l’indemnité conventionnelle de licenciement est plus favorable que l’indemnité légale. “Pour obtenir plus, il faut qu’il y ait des éléments qui vous permettraient d’aller au contentieux, constate l’avocate. Dans ce cas, vous pouvez faire comprendre à votre employeur qu’il a intérêt à négocier. Vous pouvez par exemple demander l’équivalent de l’indemnité compensatrice de préavis, voire plus si vous justifiez d’un préjudice”.
Ai-je droit à un préavis?
Non, une fois que la demande de rupture conventionnelle a été homologuée par la Direction Régionale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS, anciennement DIRECCTE), le contrat de travail peut être rompu au plus tôt le lendemain du jour de la notification d’acceptation ou, en cas de silence de la DREETS, après que le délai d’instruction se soit écoulé après réception de la demande. Il n’y a pas de préavis prévu par le code du travail. Cependant, rien n’empêche les parties de prévoir d’un commun accord un préavis ou le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.
Si mon employeur a accepté ma demande de rupture, puis-je revenir sur ma décision?
Oui, la procédure permet justement aux parties de prendre le temps de la réflexion. Après un entretien pour discuter du principe d’une rupture, voire de ses modalités, employeur et salarié remplissent et signent un formulaire cerfa. A compter du lendemain de cette signature, s’ouvre un délai de rétractation de 15 jours calendaires, pendant lequel vous avez le droit de vous faire marche arrière. De même pour votre employeur. Cependant, il y a fort à parier que la relation de confiance soit entachée par cette volonté de rupture.
Et si je persiste dans ma demande de rupture conventionnelle?
Si, dans ce délai de 15 jours, aucun de vous n’est revenu sur sa décision, vous ou votre employeur devez envoyer le formulaire cerfa de rupture conventionnelle signé à la DREETS. S’ouvre alors un délai d’instruction de 15 jours ouvrables (soit tous les jours sauf le dimanche et les jours fériés) à partir du lendemain du jour ouvrable suivant la réception de la demande pour homologuer la demande de rupture ou la refuser. Son silence vaut décision implicite d’acceptation (sauf pour les salariés protégés). “Il est aussi possible de demander à la DREETS d’envoyer une attestation d’homologation”, précise Anaë Perez-Ainciart. En cas de refus d’homologation, le contrat de travail se poursuit.
Quels éléments sont examinés pour que la rupture conventionnelle soit homologuée?
Avant d’homologuer votre demande de rupture conventionnelle, la DREETS vérifie qu’il n’y a pas eu vice de consentement pour s’assurer du libre consentement des parties et contrôler la conformité de la procédure suivie (montant de l’indemnité spécifique de rupture, délai de rétractation, date envisagée pour la rupture, etc…). “Si le code du travail laisse les parties libres de prévoir le nombre d’entretiens, il est recommandé de prévoir au moins deux entretiens pour sécuriser la procédure”, conseille l’avocate. Le respect du formalisme est aussi vérifié. Ainsi, chaque partie a le droit de se faire assister pendant l’entretien à condition d’en informer l’autre au préalable. De même, dans un encadré du cerfa, doivent apparaître les 12 derniers mois de salaire et la moyenne des 12 derniers ou des 3 derniers mois, le montant le plus favorable étant retenu pour le calcul de l’indemnité spécifique de rupture. La DREETS vérifie que la moyenne la plus favorable est retenue. Elle s’assure également que le montant de l’indemnité correspond bien au moins à l’indemnité légale de licenciement.
Dois-je payer des cotisations sociales et l’impôt sur le revenu sur l’indemnité de rupture conventionnelle?
Tout dépend de votre âge et donc de votre droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire. La rupture conventionnelle est plus intéressante si vous n’avez pas atteint l’âge légal de départ à la retraite (soit 62 ans pour les personnes nées depuis 1955). Dans cette hypothèse, l’indemnité spécifique de rupture bénéficie en effet de l’exonération prévue pour les indemnités de licenciement (sous réserve qu’elle ne dépasse pas 10 fois le plafond de la Sécurité sociale, votre indemnité est partiellement exonérée de cotisations sociales pour sa fraction non imposable : vous n’en payez pas dans la limite de 2 plafonds annuels de la Sécurité Sociale (PASS), soit 82 272 € en 2022). Elle est aussi exonérée de CSG et CRDS dans la limite de l’indemnité légale de licenciement. Enfin, elle est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite la plus élevée entre soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute, soit 50% de l’indemnité perçue, dans la limite de 6 PASS, soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
En revanche, si vous signez une rupture conventionnelle alors que vous êtes en droit de liquider une pension de retraite (régime de base), l’indemnité de rupture est entièrement soumise à impôt, à cotisations sociales et à CSG-CRDS. Si vous êtes à l’initiative d’une telle rupture, mieux vaut donc le faire avant l’âge de la retraite.
Pour l’employeur, est-il plus pénalisant de signer une rupture si j’ai atteint l’âge légal de la retraite?
Pas nécessairement. En effet, avant cet âge, il doit payer un forfait social de 20% sur la part exonérée de cotisations sociales de votre indemnité de rupture. Tel n’est plus le cas si vous pouvez bénéficier d’une pension de retraite. En revanche, il doit toujours s’acquitter de la part patronale sur les cotisations et charges sociales sur l’indemnité.
Une rupture conventionnelle me donne-t-elle droit aux allocations chômage, même proche de l’âge légal de la retraite ou après?
La rupture conventionnelle vous donne droit à une indemnisation par Pôle emploi dans les mêmes conditions que si vous aviez été licencié, soit après une période d’emploi de 6 mois au minimum. Un délai d’attente est toutefois imposé: 7 jours minimum, auquel s’ajoute un délai de carence qui varie en fonction du montant de vos indemnités de rupture, dans la limite de 5 mois. A partir de l’âge légal de départ à la retraite, si vous n’avez pas le nombre de trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein, vos allocations chômage continuent à être versées jusqu’au moment où vous aurez cumulé le nombre de trimestres requis.