Après avoir dû lever le pied pendant la crise sanitaire, l’Assurance Maladie promet de redoubler d’efforts pour faire la chasse aux fraudeurs. « A l’horizon 2024 », elle espère être en mesure de détecter et stopper des fraudes représentant autour de 500 millions d’euros de préjudice financier par an, contre près de 220 millions en 2021. Un objectif « ambitieux », a reconnu vendredi, Thomas Fatôme, le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), qui gère plus de 230 milliards d’euros de dépenses de santé des Français.
La pandémie avait obligé l’administration à revoir ses priorités en réaffectant ses agents à la politique de suivi des « cas contacts » et avait perturbé les procédures internes, par exemple en empêchant les convocations de fraudeurs supposés. Résultat : les résultats de la lutte contre la fraude ont plongé après avoir atteint un point haut en 2019 (avec 290 millions d’euros de préjudices détectés et 30 millions d’euros de sanctions prononcées).
Les succès enregistrés depuis le début de cette année font dire à la CNAM qu’elle est repartie d’un bon pied, forte de ses 1.600 agents consacrés à la lutte contre la fraude. Il faut dire que la crise s’est accompagnée de son lot de dérives, par exemple sur les tests Covid (54 millions d’euros d’indus ont déjà été identifiés).
Pas de cartes Vitale en surnombre
Pour la CNAM, la fraude sociale, qui revient régulièrement dans le débat politique, est « en réalité limitée ». « Il n’y a pas de cartes (Vitale) en surnombre », a insisté son directeur, depuis que l’Assurance Maladie a fait le ménage dans les fichiers. Certes, la CNAM a mis la main sur des individus qui profitaient indûment pour leurs soins du système français, mais elle souligne que les montants en jeu sont à relativiser (70 millions d’euros).
Les enjeux financiers sont nettement plus importants du côté des professionnels de santé auxquels l’Assurance Maladie rembourse les actes pratiqués. Ceux-ci représentent près des deux tiers des fraudes démasquées (en montant, en 2021). Insistant sur le fait que la fraude est le fait « d’une petite minorité », la CNAM a cependant déjà épinglé en début d’année les infirmiers libéraux qui facturent trop cher leurs actes à la Sécurité sociale.
Les transporteurs dans le viseur
Ce vendredi, elle n’a pas hésité à mettre les projecteurs sur les médecins généralistes, dont le pays manque pourtant. Présentant de nouveaux travaux, la CNAM évalue qu’entre 3 et 3,5 % de leurs prescriptions remboursées peuvent être assimilées à de la fraude. De quoi représenter jusqu’à 215 millions d’euros de préjudice.
L’Assurance Maladie s’est aussi penchée sur le cas des transporteurs de patients. Ces derniers pèsent moins lourd dans les dépenses de santé que les médecins mais les fraudeurs sont à l’origine de 150 à 170 millions d’euros de préjudice, « un chiffre significatif », souligne-t-on à l’assurance-maladie.
Accompagnement des professionnels
Pour remettre de l’ordre dans les remboursements, la CNAM mise sur le croisement des données avec d’autres administrations, divers outils informatiques et le déploiement des ordonnances numériques permettant de lutter contre les faux. Elle compte aussi sur des opérations de contrôle d’ampleur, avec la mise en place de « task forces nationales ». Ayant aujourd’hui plus de cinquante centres de santé dentaires dans le collimateur (faux actes, actes non justifiés, etc.), elle promet des dépôts de plaintes, des signalements à l’ordre et des déconventionnements, « dans les prochaines semaines ».
L’administration mise aussi sur la prévention et l’accompagnement des professionnels. Plutôt que de laisser des infirmiers nouvellement installés en cabinet, reprendre les « mauvaises habitudes » de collègues plus anciens en matière de facturation, l’idée est de les former et d’effectuer des contrôles « à blanc » dans les premiers mois de leur installation. « On voit les premiers résultats », a souligné Thomas Fatôme, vendredi. Cette logique devrait être étendue aux autres professionnels et notamment aux kinésithérapeutes.