Les industriels du médicament et les pharmaciens ont remporté une manche. Le gouvernement a répondu à leurs inquiétudes en proposant de réécrire plusieurs mesures prévues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 visant à contrôler les dépenses de médicaments.
« Le gouvernement nous a écoutés et nous a entendus », se réjouit Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. La satisfaction est aussi de mise du côté de l’organisation de défense des entreprises du médicament, le LEEM. « On prend note des inflexions sensibles du gouvernement », déclare son directeur général Philippe Lamoureux.
Plus de menace de grève des pharmaciens
Ces inflexions se retrouvent dans des amendements que l’exécutif a déposés, lundi, en amont de la discussion du PLFSS qui doit démarrer en séance publique jeudi à l’Assemblée. Cette réécriture était attendue de pied ferme par les acteurs de l’industrie pharmaceutique. Leur levée de boucliers avait été telle à la lecture du PLFSS que le gouvernement avait promis de corriger sa copie tout juste écrite .
A la grande satisfaction des professionnels, le gouvernement confirme ainsi faire marche arrière sur l’idée de mettre en place des appels d’offres sur les médicaments. Le PLFSS voulait réaliser des économies en permettant de référencer un panel de médicaments parmi ceux « ayant une même visée thérapeutique » et de dérembourser les autres.
Cette perspective inquiétait vivement les laboratoires et les fabricants de produits génériques qui reprochaient au gouvernement d’aller à rebours des initiatives prises dans le sillage de la crise du Covid pour soutenir le secteur pharmaceutique en France . Elle avait aussi mis en alerte les pharmaciens qui tirent une partie de leurs revenus de remises obtenues sur la vente de génériques. Arguant que l’Etat allait créer, avec les référencements, des pénuries de médicaments, ils envisageaient déjà de lancer une grève.
Cette menace de grève est désormais levée puisque le gouvernement ne parle même pas d’expérimenter ce référencement, comme l’avait évoqué le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, début octobre. L’amendement que l’exécutif a déposé l’engage seulement à remettre, d’ici à l’été 2023, un rapport au Parlement sur « l’intérêt, la faisabilité et les potentielles limites d’un dispositif de référencement périodique ».
« On n’a pas dû attendre trop longtemps pour que le bon sens prime », note Stéphane Joly, président du Gemme représentant les industriels du générique.
Le secteur toujours inquiet de la ponction de l’Etat
Les industriels du médicament ont aussi obtenu gain de cause sur un autre sujet crucial à leurs yeux. Celui du mode de calcul de la clause de sauvegarde, la contribution censée préserver les finances de la Sécurité sociale en cas de dérapage des remboursements de médicaments. Le gouvernement voulait créer une contribution spécifique pour cibler les médicaments en forte croissance, et ne pas ponctionner uniformément comme aujourd’hui les laboratoires vendant à tour de bras des produits très chers et les fabricants de génériques.
Sa proposition n’était cependant pas du goût de tous les industriels du médicament, notamment des plus innovants. Comme prévu, le gouvernement renonce à créer une contribution spécifique et introduit une nouvelle formule de calcul de la clause, tenant compte à hauteur de 30 % de la croissance du chiffre d’affaires des industriels. Les génériqueurs plaidaient pour une autre répartition mais « c’est déjà une avancée », se félicite Michael Bismuth, directeur général adjoint du Gemme.
Les industriels continuent cependant de s’inquiéter de la ponction que représente la clause de sauvegarde. Celle-ci pourrait représenter plus de 2 milliards d’euros en 2023 selon le LEEM au vu de l’évolution actuelle du marché. « En réalité, la clause de sauvegarde est une taxe sur la croissance », tempête Philippe Lamoureux.
Pour alléger la note, certains proposent de sortir les dépenses liées au Covid (vaccins) du calcul de la clause de sauvegarde. Mais Bercy exclut une telle hypothèse.