Ils marchent sur des oeufs tant le sujet est politiquement sensible et de ce fait, le contenu des mesures annoncées devra être regardé de près une fois la discussion parlementaire passée. Mais c’est a priori un véritable changement de logique en matière d’immigration de travail qu’ ont annoncé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le ministre du Travail, Olivier Dussopt dans une interview au « Monde » ce mercredi.
Première évolution : pour faire face aux difficultés de recrutement, le gouvernement veut faciliter la venue de travailleurs étrangers sur les métiers en tension. Il existe déjà une liste de métiers identifiés comme tels pour lesquels il est possible d’embaucher un étranger non européen sans avoir à démontrer qu’il n’y a pas de candidat crédible français ou disposant déjà d’un titre de séjour.
Mais cette liste révisée en 2021, qui distingue les besoins selon les régions, s’avère très restrictive. Ne figurent pas dans l’arrêté, par exemple, les métiers de la restauration. Annonçant son « élargissement », Olivier Dussopt veut en faire « un outil pour permettre aux étrangers non communautaires de connaître les besoins de l’économie française ».
La principale nouveauté est cependant ailleurs : dans l’accent mis sur les travailleurs immigrés déjà en France mais sans papiers. « C’est une forme d’absurdité du système, on enferme certains étrangers […] dans l’illégalité », résume le ministre du Travail. « Nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent et que le patronat utilise comme une armée de réserve pour parler comme Marx », note de son côté Gérald Darmanin. Et pour cela, le gouvernement s’annonce prêt à revoir la procédure de régularisation par le travail.
Simple circulaire
Il existe un cadre juridique permettant aux travailleurs sans papiers en emploi d’obtenir un titre de séjour via l’article 40 de la loi Ceseda de 2005. Mais les critères sont définis dans une simple circulaire et donc appliqués de façon très aléatoire. De surcroît, l’obtention de papiers est conditionnée à la signature par l’employeur d’un formulaire Cerfa attestant de l’emploi, même si le salarié a des fiches de paie.
Le gouvernement veut sécuriser ce cadre juridique dans la future loi sur l’immigration. Les curseurs qui seront fixés seront à cet égard déterminants, sachant qu’actuellement on est sur la preuve d’une présence depuis au moins cinq ans en France et d’une activité salariée d’au moins 12 mois.
Olivier Dussopt et Gérald Darmanin affichent comme objectif ni plus ni moins que d’« inverser le rapport de force avec quelques employeurs qui peuvent trouver un intérêt à ce que leurs salariés soient dans une situation d’illégalité », explique le ministre du Travail. Et pour cela, les salariés concernés pourraient « solliciter la possibilité de rester sur le territoire sans passer par l’employeur ». « Particulièrement dans les métiers en tension », précise-t-il, dans une formule ambiguë.
Une demande du patronat
Serait par ailleurs supprimée l’obligation faite pour ces salariés lorsqu’ils changent d’employeur que le nouveau doive solliciter une autorisation administrative d’embauche. « On peut ouvrir le débat sur le fait d’avoir une autorisation de travail pour toute la durée du séjour. »
Tout cela répond à une demande du patronat « qui a demandé qu’il y ait plus de main-d’oeuvre », soulignent les ministres, qui comptent leur demander des contreparties en temps pour l’apprentissage du français notamment.