C’est une inégalité supplémentaire entre les hommes et les femmes dans la société française : celles-ci sont davantage touchées par le mal-logement. Les premières victimes étant les mères célibataires.
Dans son dernier rapport sur l’état du mal-logement en France, rendu public ce mercredi, la Fondation Abbé Pierre a analysé ce phénomène dont les causes sont multiples. La première est sans doute la plus évidente : les femmes sont souvent moins bien rémunérées que les hommes et ont plus fréquemment des emplois précaires ou à temps partiel. Ce qui leur rend l’accès à un logement décent plus difficile.
Difficile rupture conjugale
Mais d’autres facteurs interviennent et sont moins intuitifs. « Les jeunes femmes quittent plus tôt le domicile de leurs parents – à 21 ans en moyenne, à comparer à 23 ans pour les jeunes hommes. Elles le font souvent pour suivre un compagnon plus âgé, qui a plus de moyens financiers, et qui met le bail de leur logement à son nom », raconte Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation. Quand leur couple se disloque, elles se retrouvent parfois à la porte et ont besoin d’aide.
Plus globalement, pour tous les couples, la rupture conjugale « vient briser la fiction du tout en commun. Et cela se fait au détriment des femmes », note-t-il. Après la séparation, les revenus disponibles des femmes chutent de 20 % environ, à comparer à 2,5 % pour les hommes. Le versement d’une prestation compensatoire, visant à rééquilibrer la situation matérielle des ex-conjoints, n’a lieu que dans 20 % des cas.
Quand elles se relogent, ce n’est pas toujours dans de bonnes conditions, surtout si elles se retrouvent seules avec leurs enfants : 18 % des familles monoparentales (à 83 % des femmes seules avec enfants) vivent ainsi dans des foyers surpeuplés.
Contreparties gênantes
Le cas des femmes battues est particulièrement délicat : pour mettre de la distance avec un compagnon violent, elles sont souvent contraintes de fuir leur logement. Près de 10.000 places d’hébergements spécifiques existent pour répondre à l’urgence de leur situation, mais ce nombre reste insuffisant et il en faudrait plus du double.
Pour les femmes sans domicile, l’hébergement chez autrui implique parfois des contreparties gênantes. « Les femmes hébergées chez des tiers sont davantage contraintes que les hommes à réaliser du travail domestique peu ou non rémunéré – garde d’enfants, ménage, cuisine, soin aux personnes âgées… – ou dans des situations extrêmes à se soumettre à des relations sexuelles », note le rapport. Dans certains cas, l’absence de logement entraîne aussi des femmes vers la prostitution.
Veuves pauvres
Les femmes sont, en outre, moins souvent propriétaires de leur logement que les hommes. Et elles sont désavantagées à l’occasion des héritages. « Les héritières héritent moins que leurs frères – perçus comme plus fiables – des biens structurants, qu’il s’agisse des entreprises ou des logements. On voit ainsi des écarts de patrimoine se creuser entre hommes et femmes », raconte Manuel Domergue. D’autant que l’immobilier a pris de plus en plus de poids dans les patrimoines familiaux.
Enfin, les femmes vivant plus longtemps que les hommes, et étant plus souvent en couple avec une personne plus âgée, elles sont aussi plus nombreuses à se retrouver en situation de veuvage. En outre, 11,7 % des veuves sont pauvres à comparer à 3,7 % des veufs. « Il y a deux fois plus de femmes au minimum vieillesse », pointe l’expert.